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Commentaire de Bérenger

sur La tumultueuse relation auteur-éditeur


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Bérenger 4 septembre 2007 09:47

Ecrire n’est pas un métier, non ! C’est un sport passionnant, un jeu de rôles jouissif, une passion peut-être, encore que la passion suppose une part de souffrance, et pour qui aime vraiment écrire des petites histoires marrantes, ce que je fais ponctuellement, c’est surtout de plaisir qu’il s’agit, j’oserais même parler d’une griserie voisine de celle de l’alpiniste s’expliquant avec un surplomb, ou du motard lancé à 200 sur une Nationale.

J’ai publié deux micro-éds chez un petit éditeur provincial, moyens réduits, distribution restreinte à deux ou trois librairies. Cette aventure m’a valu de rencontrer toutes sortes de gens passionnants parmi mes lecteurs, et de me faire ma petite idée, au travers des séances de signatures et des salons auxquels j’ai pris part, sur ce milieu littéraire dont je me suis vite rendu compte que je n’avais rien de valable à en attendre, en ce que sa conception de l’écriture se situait à des milliards d’années-lumière de la mienne. Egos surdimensionnés, comptables compulsifs, pique-assiettes stylés, mondains d’occasion et autres bobos distillateurs de lieux communs, soixante-huitards bedonnants et faux Gavroches, fils de pube et fils-de tout court, libraires blasés et revuistes prétentiards... Tout ce joli monde poudré, parfumé, laqué, relifté, griffé, se prenait terriblement au sérieux et je voyais ça comme un grand cirque de dupes où l’artisanat consistant à raconter des histoires n’a pas plus sa place que le lecteur, en bout de course. Le lecteur et ce qu’il attend du bouquin qu’il aura payé relativement cher, toujours trop cher à mon goût, au regard de son contenu, le plus souvent consensuel, ronronnant, ou stratégiquement dépravé, opuscules d’une centaine de pages en police de 14 adornés ou pas du rituel bandeau-pour-faire-vendre, quelle qu’en soit l’appellation. Produits de l’actuel paysage littéraire franco-français. Littérature d’instituteurs et chroniques de la marge dorée.

Aujourd’hui je continue à écrire pour moi, pas de publications ni de blogs. Je pratique mon sport favori, point barre. Et je lis comme j’ai toujours lu, comme j’ai toujours aimé lire, affamé que je suis d’une littérature qui a de la consistance, d’histoires qui nous mènent loin, pondues par des vécus tourmentés, minimum trois cents pages en police de dix, pas de limite pour le max, les pavés insoulevables sont les bienvenus. Et cette littérature-là, actuellement elle se fabrique Outre-Atlantique, allez savoir pourquoi. Don DeLillo, Douglas Kennedy, Paul Auster, Jim Harrisson, Rick Moody, Thomas Pynchon, héritiers en droite ligne des Henry Miller, Brautigan, Bukowski et John Fante. Ici on n’a que les produits culturels de notre chère exception du même nom à se mettre sous la dent. Des Houellebecq, des Nothomb, des Frédéric Mitterrand, et quelques autres de ces no-lifers issus du milieu des affaires, qui se collent devant un traitement de texte comme ils nous pondront, demain, un film mis en scène par leurs soins et produit par leurs bons copains, après-demain un disque chanté par leurs soins et produit par leurs bons copains, et d’ici vingt ans des croûtes badigeonnées par leurs soins et vendues très chères dans les galeries tenues par leurs bons copains.

Du grand art, quoi !


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