• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de DZA

sur La tumultueuse relation auteur-éditeur


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

DZA 5 septembre 2007 16:45

Article drôle et intéressant. Il était temps de retourner le cliché éditeur-bourreau/auteur-victime. Je précise que je suis auteur.

Ceci étant dit, la pression sur les éditeurs, que décrit si bien Joseph Vebret, provient plus sûrement des « mauvais » auteurs, qui sont de plus en plus nombreux (80000 personnes écrivent, plus ou moins bien, en France), que des confirmés. Les stars qui vendent, on leur pardonne quasiment tout, comme Houellebecq et son avance mirifique jamais « retournée sur investissement » de 1,5 million d’euros pour « La possibilité d’une tuile », pardon, d’une île. Le feuilleton de l’été 2005.

La relation de confiance qui doit s’instaurer entre un auteur et son éditeur prend du temps. Au début, souvent, règne un semblant de paranoïa. L’éditeur me roulera-t-il dans la farine ? L’auteur me rendra-t-il quelque chose, et à temps, et si oui, ce quelque chose sera-t-il correct ? Pour faire baisser la tension, mieux vaut se voir régulièrement, car le téléphone ou le net isolent, et ne pas perdre de vue les contraintes de l’éditeur, même si c’est SON métier. Contraintes de temps, de contenu, de cible... que les auteurs novices oublient ou ignorent. On part à l’assaut du Grand Public, croyant écrire le livre du siècle -sans cette croyance, il n’y aurait pas 10 livres produits par an en France- et on finit souvent dans le fossé... avec 21 ventes (la famille et les amis), chez 2 libraires, zéro promo, pas la moindre télé, et un retour de bâton dans le bide dont on ne se vante pas.

Je dirais qu’un novice est statistiquement et par définition forcément mauvais. Dans son travail, et dans l’appréhension de sa relation avec l’éditeur. Il rêve, par définition, il plane, et s’il tient le coup, passe alors le cap du désenchantement, c’est-à-dire du premier crash au sol, un sol bien dur. Il faut que le cœur se brise ou se bronze, disait le poète. Celui qui n’a pas compris ou mal interprété ce démenti du Réel jure de se venger : la postérité m’attend, cette andouille d’éditeur se mordra les poings en voyant MON livre grimper au juteux classement des ventes de L’Express... Je serai le roi du monde des livres, je je je, ils verront qui JE suis !

Mon expérience en tant qu’auteur est une longue suite de souffrances indescriptibles. Mais jamais je n’en ai voulu à mon premier éditeur. Les grandes maisons ayant refusé mon enquête sur un personnage très en vue de la télé, j’ai accepté la proposition d’un petit éditeur... au parfum de souffre. Conséquence, il a fallu tout faire tout seul, et tout affronter : un maquettiste qui oublie le sommaire, enfile 15 chapitres sans coupure, un directeur de collection qui s’enfuit au moment de la réécriture, un éditeur qui « oublie » de faire relire le manuscrit par son avocat (3000 euros qui peuvent éviter 50 000 euros en diffamation), des chiffres de vente jamais communiqués, des droits sur les ventes jamais versés, une promo et des services de presse assurés par ma pomme... Ne compte que sur tes propres forces, comme le disait fort justement Mao, qui a dû être auteur avant de devenir empereur.

Mais, car il y a un mais, j’ai touché près de 12 000 euros en 4 versements pour ce travail. Comme convenu dans le contrat, un contrat qui ferait bondir comme un wallaby sous LSD un étudiant en droit. Depuis, j’ai arrêté ma collaboration avec cet éditeur, qui est beaucoup plus dans la merde que moi : j’ai perdu toutes mes collaborations en presse (je suis journaliste dans le civil) suite à la sortie du livre, mais lui se fait poursuivre par une horde d’auteurs non rétribués, et rembourse difficilement ses fournisseurs depuis un procès très dur perdu face à une intransigeante star de la télé. Le malheureux passe ses journées à se planquer, promettre, rembourser, fuir, parce qu’il a eu l’outrecuidance de produire une vingtaine de livres en 2 ans. Je préfère ma place d’auteur peinard, et je respecte le difficile métier d’éditeur.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès