Un diagnostic peu rassurant (Le Monde 27/07) :
"..La situation engendrée, jeudi 23 août, par la démission d’Yves Leterme, formateur gouvernemental désigné par le roi Albert II, est pourtant très difficile. « Il est trop tôt pour créer la panique, mais quelque part au loin, cela commence à sentir la poudre », diagnostique Filip Roegiers, commentateur du quotidien flamand De Morgen.
On attendait lundi 27 août que le chef de l’Etat nomme un duo de « médiateurs », Raymond Langendries et Herman De Croo, l’un centriste francophone, l’autre libéral flamand, pour tenter de relancer les négociations avant de passer la main à un nouveau formateur. Mais la crise semble d’autant moins proche de sa conclusion qu’on ignore si la formule privilégiée jusqu’ici - une alliance des chrétiens-démocrates centristes et des libéraux, flamands et francophones - a la moindre chance de prendre forme. Les récentes discussions ont buté sur l’incapacité de ces partis à s’entendre sur une réforme institutionnelle réclamée par la Flandre. « Le Parlement régional flamand a adopté en 1999, sans concertation préalable, un vaste programme de transferts de pouvoirs que les francophones ressentent comme unilatéral, susceptible d’instaurer un confédéralisme de fait », rappelle Xavier Mabille, historien et politologue.
Cet élément confirme que la crise actuelle est majeure et se distingue d’autres épisodes tumultueux des relations entre la Flandre et la Wallonie. « On cumule les exclusives, on empile les tabous, les différents partis s’estiment porteurs de mandats impératifs, la Flandre proclame l’intérêt majeur d’obtenir de nouvelles avances institutionnelles pour maintenir la prospérité tandis que les francophones refusent de voir la Wallonie et Bruxelles mises à genoux, analyse Vincent De Coorebyter. Et, cette fois, le principe même d’une discussion institutionnelle n’est pas collectivement accepté. »
Face à une Flandre unie, les Francophones présentent un front peu solide et « se débattent avec le legs empoisonné de la frontière linguistique, qui leur a été imposée en 1963 par une majorité flamande », ajoute Xavier Mabille. Leur tentative de riposte, avec une volonté d’élargir les limites de Bruxelles et de préserver les droits des francophones de la périphérie flamande se heurte à un refus catégorique : « Cela touche à la territorialité, un des grands principes sur lequel ce pays est fondé. Cela rend le débat impossible », a expliqué au journal Le Soir le ministre flamand de l’intérieur, Patrick Dewael.
Jamais la méfiance mutuelle n’a semblé aussi forte. Les francophones redoutent que les Flamands ne visent, à terme, qu’à faire éclater l’Etat, les Flamands les soupçonnent de vouloir, cyniquement, profiter le plus longtemps possible d’un Etat qui leur assure des transferts financiers. « Il faut, d’abord, définir en commun des objectifs pour rendre l’Etat plus efficace. La décentralisation de certains pouvoirs, la recentralisation d’autres, ne sont que les moyens d’atteindre cet objectif », souligne Rudy Aernoudt, qui veut encore croire au « bon sens ».
Jean-Pierre Stroobants