Je partage votre inquiétude.
Mais le problème posé ici, ainsi qu’avec l’affaire Lindon, c’est l’imputation à des contemporains de paroles qu’ils n’ont pas prononcées et d’actes qu’ils n’ont pas commis.
Pour ce qui est de Houellbecq, il me semble, sauf erreur, que l’incident auquel vous faites allusion, est venu d’une interview.
J’ai voulu, à la faveur de ces deux affaires, montrer les dangers auxquels expose le formalisme qui prévaut aujourd’hui dans la critique littéraire et à l’École. Écoutez donc « France culture » en particulier entre 12h et 13h30, avec l’émission « Tout arrive ». Et dites-moi si vous y comprenez quelque chose !
Avec ces « catégories » inutiles que le formalisme a le don de multiplier à plaisir, on en finit par oublier l’essentiel.
Je trouve que cette décision judiciaire est un démenti salutaire apporté à la lévitation formaliste qui prévaut à l’École dans l’étude des textes. Le contexte de « la relation d’information » (avec ses contraintes) est souvent ignoré. Mieux, la fiabilité des informations d’un texte n’intéresse pas.
Maintenant, s’il est entendu qu’un livre, un article sont de la responsabilité entière d’un auteur, ceci ne veut pas dire, du moins en démocratie, qu’on puisse lui tenir rigueur des opinions qu’il exprime, au travers d’un événement relaté ou d’un personnage façonné, sous réserve qu’il s’agisse d’incitation au délit ou au crime : le délit d’opinion n’existe pas, en principe, en démocratie.
En revanche, la liberté d’opinion n’autorise pas à diffamer autrui. Pour les auteurs en quête d’inspiration, il y a mieux à faire qu’à mettre en scène des contemporains sans même songer à changer leur patronyme.
Flaubert aussi a puisé dans un fait divers, si je ne me trompe, l’argument de « Madame Bovary », mais non pour appâter le chaland friand d’en reprendre sur une affaire tragique qui a nourri les gazettes, mais pour rendre compte des relations sociales de son époque qu’il observait.