@ zen
« banalité du mal »
Germaine Tillion, dans ses souvenirs sur Ravensbrück, ouvrait sur son arrivée dans le camp..
Une image l’avait marquée, un jeune SS et une auxiliaire féminine marchant, main dans la main, riant comme des adolescents, à côté de la colonne qui entrait dans l’enfer..
Elle avait aussi décrit et mesuré le processus de déshumanisation des aufseherin (surveillantes).
Au départ, des jeunes filles allemandes qui ne savaient pas toujours dans quoi elles s’engageaient en prenant une affectation à Ravensbrück.
Le premier jour, elles s’excusaient et cédaient poliment le passage presque en croisant une détenue.
Un peu plus tard, elles frappaient et tuaient comme leurs collègues..
Durée du processus : quinze jours.
Ces photographies ont le mérite de nous faire réfléchir que les bourreaux ne sont pas nés tels et qu’ils sont avant tout des hommes ordinaires.
Résultats souvent d’un processus où interviennent :
- La certitude que sa cause est la seule juste.
- Qu’à leurs victimes, préalablement stigmatisées, ne s’appliquent pas les lois humaines..
- Que leurs actes sont accomplis par d’autre autour d’eux
- Etc..
Un ouvrage excellent d’Edwin Goffman « Asiles », décrit parfaitement le fonctionnement de structures « totalitaires » (hôpitaux, asiles psychiatriques, prisons..) où l’on peut observer, en réduction, des situations poussées à leur paroxysme dans l’univers concentrationnaire nazi.
Le psychanalyste Bruno Bettelheim dans « Survivre » avait « profité » lui, de son passage à Dachau dès 1933 pour étudier la psychologie des gardiens et noté, dans ce contexte particulier, des phénomènes d’identification aux bourreaux observables chez les détenus eux-mêmes..
Rares sont ceux qui échappent à une telle contamination du mal.
Dans son film « La bataille d’Alger », Gilo Pontecorvo avait eu l’intelligence de montrer, dans la figure du colonel français tortionnaire, un homme qui lui-même avait été déporté et victime de la Gestapo.
J’ai discuté il y a peu de temps avec un vieux rabbin qui m’a impressionné lorsqu’il m’a dit que l’injonction divine : « Tu ne tueras point » était un absolu qui ne supportait de « Oui mais.. » ou « dans certains cas.. »
Et pourtant..
gAZi bORAt