Bon, comme on pouvait s’y attendre, maintenant que la population sait que le hezbollah n’est plus une menace, les langues se délient :
On entend maintenant d’autres voix chiites
Le Hezbollah a du mal à transformer son “succès” militaire en victoire politique. Et plusieurs voix chiites émergent pour dénoncer son emprise.
Les “vainqueurs” de la dernière guerre libanaise [le Hezbollah] affichent une fébrilité qui normalement est le propre des vaincus. Ils s’efforcent de nous convaincre que ce sont eux qui ont gagné la guerre mais que ce ne sont pas eux qui l’ont commencée, qu’ils ne préparent pas – malgré les apparences – un coup d’Etat [contre le gouvernement libanais] et qu’ils ne sont pas une excroissance politique de la Syrie et de l’Iran. Fébrilement, ils s’en prennent aux intellectuels et les envoient aux “poubelles de l’Histoire”. L’un d’eux s’est d’ailleurs demandé où se situaient “ces poubelles de l’Histoire”, afin de ne pas se perdre en chemin. Ils s’acharnent sur les Arabes, les Européens et la communauté internationale – tout en réservant la part du lion de leurs attaques à la France, qui aura la part du lion dans les forces de protection du Liban.
Tout cela fait penser à quelqu’un qui se cogne la tête contre le mur et tente de nier la réalité, une réalité qui mériterait pourtant que le Hezbollah en prenne acte pour l’analyser sérieusement et pour se demander si cela valait bien la peine de mener une guerre excessive qui accouche de si peu de résultats politiques. Et voici que des voix chiites courageuses et respectables commencent à se faire entendre pour poser des questions et semer le doute. Après le journaliste Jihad Al-Zein, l’éditeur Luqman Slim, l’universitaire Mona Fayad [voir CI n°825, du 24 août 2006], le cheikh Hani Fahs et d’autres encore, c’est le mufti [chiite] de Tyr, Ali Al-Amin, qui a remis les pendules à l’heure en insistant sur la nécessité d’une “présence totale” de l’Etat et sur la “libanité totale” des chiites. Pour lui, les problèmes politiques et sociaux ne se résolvent que pacifiquement et par étapes, sous la conduite d’un Etat assuré de détenir le monopole de la violence. Et, mieux que Seymour Hersh [reporter vedette du magazine The New Yorker] et d’autres “stratèges” internationaux, le mufti Ali Al-Amin connaît la cruelle situation de sa région. Il sait que ce n’est pas parce que la victoire israélienne est moins écrasante que d’habitude que l’on peut conclure hâtivement à une “victoire sans précédent” du Hezbollah. Il sait que la douleur, la souffrance, le calvaire de cette guerre auraient pu être évités. Il n’a pas voulu faire comme d’autres et mettre la mort et la désolation au service de la “victoire”, mais a préféré dire les choses telles qu’elles sont : ce qui vient de se produire est une catastrophe.
Hazem Saghieh Al Hayat