Je laisse de côté votre inclination pour les anathèmes contre toute réflexion qui heurte votre doxa : une longue tradition politique adore les mots que vous employez comme « vide », « réactionnaire » (et j’en passe) pour discréditer l’adversaire. Car ce faisant, on grimpe sur un perchoir et on s’ébroue en s’octroyant implicitement à peu de frais les doux mots inverses de « profond » et de « révolutionnaire » (et quelques autres) pour se contempler avec contentement dans la glace et recevoir du groupe l’hommage attendu.
Cela ne mange pas de pain ! C’est de la pure technique d’intimidation qui aurait dû disparaître dans l’oubli de l’Histoire avec ces mouvements qui ne toléraient aucune critique. Ils en sont morts, ou sont moribonds et c’est tant mieux ! Mais leurs méthodes survivent.
Ceci dit, je partage volontiers nombre d’observations que vous faites sur les raisons de la vacuité d’un certain art contemporain. J’ai bien dit « un certain art ». Je ne généralise pas comme vous : vous me prêtez un mot - toujours dans la même tradition évoquée ci-dessus - qui ne fait pas parti de mon vocabulaire : « décadence » !
Pour moi, ce mot n’a pas de sens. Ce n’est pas parce que je replace les deux malheureuses oeuvres (le cochon et la tête de mort de Pinault) dans la somptueuse perspective de Prague, de Venise et de Paestum que vous êtes autorisé à déduire que je m’inscris dans une critique de la décadence de l’art contemporain.
Je me contente seulement de rappeler que celui qui prétend produire une oeuvre, ne saurait oublier que ceux qui l’on précédé ont mis la barre très haut. Il ne suffit donc pas de se dire d’avant-garde pour leur tenir tête si la force de son oeuvre propre ne suit pas.
La comédie de Yasmina Reza, « ART » (1994) souligne très justement qu’un certain art contemporain joue seulement de la surprise, mais qu’hélas ! la surprise est chose morte sitôt passée, emportant avec elle la malheureuse oeuvre.
En revanche, vous avez raison de souligner que j’y vois encore les ravages du marché, auquel un État lui-même contribue. Voyez tout le bien que j’ai dit de « Da Vinci Code » ! Si le marché excelle a fournir les meilleurs objets matériels, il est loin d’être un critère d’excellence pour les oeuvres de l’esprit. L’argument d’autorité et la pression du groupe sur l’individu peuvent ouvrir sur le meilleur comme sur le pire. Mais c’est le plus souvent le pire qu’il faut craindre quand une promotion en est attendue.
Ainsi, en art comme en sport, le marché est souvent fatal !
Mais j’ai bien noté que vous vous obstinez à ne pas l’admettre et que vous restez attaché à des représentations idéalistes que l’instrumentalisation promotionnelle de ces activités a pourtant ruinées pour longtemps. Paul Villach