Non, Fouad, nos habitudes culturelles ne sont pas supérieures aux vôtres. Et quand je suis chez ’vous’ c’est à dire des pays musulmans dans le sens le plus large, je ne cherche pas à manger du porc, ni même de l’alcool (sauf en Turquie où le raki est un must !), en Egypte je circule en tunique et en turban, eh oui c’est très pratique sous le soleil à près de 50 degrés.
Mais quand vous êtes chez ’nous’ - à Ostende, par exemple - ce sont NOS pratiques culturelles et culinaires qui priment, et le porc en fait partie, autant que le mouton chez vous. Donc, je n’ai rien contre la diversification des plats, mais s’il n’y a que le porc, à l’occasion, et que cela vous reste en travers de la gorge, alors c’est votre problème. Pas le nôtre.
D’ailleurs vous vous privez d’un plaisir autrement plus exquis que d’aller en boîte. Tenez : vous ne connaîtrez jamais le plaisir de la choucroute, ces morceaux de porc, aux différentes intensités de rose, offerts sur un lit doré tels les membres épars d’une Vénus du Titien à la fauve chevelure. Le tout éclairé par un rai de soleil qui, passant au travers de la porte ou de la fenêtre d’une brasserie, prend de l’intensité à la rencontre d’un verre de Riesling et éclaire le festin qui s’annonce, auréolant ainsi la chair de la bête ainsi sacrifiée. L’on se sent en tout point reconnaissant envers l’animal sacré, comme le roi Arthur, parvenu à l’aboutissement favorable de sa traque du sanglier Troit et de ses porcelets. On commence par la chair plus fade de la palette, gardant l’oeil sur le généreux morteau, plus piquant, à la carnation foncée. Puis vient le tour de la saucisse de Strasbourg, d’ordinaire prostituée au pain mou et industriel du hot-dog et travesti par une moutarde à bas prix. Ici, rien de tel, elle est craquante, le goût subtil, trop vite achevée. Mais on se rassure en constatant qu’une portion supplémentaire, au moins, nous attend, reposant en majesté sur un plat en acier qui nous fait un clin d’oeil depuis la desserte. Ainsi, on aura la brève illusion d’une réserve inépuisable de victuailles, dignes d’un héros, d’un chaudron de Gundestrup, qui aurait servi à nourrir Wotan, Thor, Brünhilde, Siegfried...