@ Alice et Anny Paule,
Je comprends tout à fait votre désarroi. Le fait de se sentir désarmé dans une classe est insupportable pour tout(e) enseignant(e) consciencieux(se).
Travaillant actuellement et ayant travaillé en établissement spécialisé (IR puis ITEP avec des jeunes qui présentent des troubles du comportement et de la conduite) ainsi qu’en UPI (dispositif de scolarisation d’élèves en situation de handicap intellectuel en collège), j’ai pu mesurer les bénéfices de la scolarisation en milieu ordinaire mais dans des conditions très différentes des vôtres... J’ai aussi pu, à de nombreuses reprises, me retrouver face à des crises comportementales ou pris dans des difficultés et des conflits extrèmement difficiles à vivre. La seule chose qui ait pu me sauver en ces circonstances est de ne pas être resté seul.
Enseignant spécialisé, je me garderai bien de me poser en donneur de leçon ou de conseil. Je souhaiterais toutefois vous exposer quelques questions qui pourraient, je l’espère, aider dans ce genre de situation.
Vers qui pouvez-vous tourner pour rechercher de l’aide dans la situation que vous vivez ? La circonscription ASH (ou AIS) ne serait-elle pas mieux à même de vous aider que votre circonscription dans laquelle, vous le déplorez, la formation et l’information concernant le handicap n’est pas passée ? Si cet état de fait est, certes, regrettable, il n’en demeure pas moins qu’il vous faut trouver de l’aide ailleurs. Avez-vous contacté la MDPH (maison départementale du handicap) ou l’enseignant référent de votre secteur concernant les jeunes dont vous avez la charge ? Les familles bénéficient-elles du soutien d’un SESSAD ? Un psychomotricien, un éducateur ou quelqu’un d’autre de ce SESSAD ne pourrait-il pas venir vous aider sur des temps de classe à travailler avec le jeune, à l’aider à se situer dans votre classe ?
Les syndicats organisent parfois des journées ou réunions d’information sur le handicap, en existe-t-il dans votre département ? Avez-vous contacté ces syndicats pour avoir une position différente de celle de l’administration ? N’y a-t-il pas, dans ces syndicats, des enseignants spécialisés (parfois majoritaires dans certaines sections) qui peuvent vous écouter ou orienter vos demandes vers les bonnes personnes, vous aider à gagner du temps ?
Avec un enfant autiste, le cadre, la régularité, les prévisibilité sont essentiels. Les avez-vous organisés dans votre classe ? Quelques exemples : tous les rituels sont bons pour aider à se situer, prévenir l’enfant avant qu’un évènement survienne (plutôt l’aider à anticiper que de retirer la sonnerie... Une autre évènement viendra de toutes façons le perturber et si c’est l’alarme qui se déclenche, cela sera la catastrophe), respecter aux mieux les horaires (si les horaires ne le rassurent pas c’est que tous ses caprices lui sont passés par ailleurs, voir plus le contact avec les parents), visualiser les horaires (ou la frise des évènements, les heures n’ayant pas de sens) dans la classe...
Avez-vous essayé de réduire les temps de scolarisation de ces enfants ? La loi n’impose pas le temps plein. Si le temps plein n’est pas vivable pour la classe, est-il alors souhaitable pour l’enfant ?
Les parents sont les meilleurs spécialistes de leur enfant, les avez-vous interrogé sur leur manière de procéder avec l’enfant ou les avez-vous seulement écouté vous donner des conseils ? Qui vient chercher l’enfant le soir ? Comment se contact se déroule-t-il ? Avez-vous des échanges à ce moment-là ? Les parents sont-ils présents aux synthèses ? Si, oui, pourquoi ? Quelle est leur fonction, leur utilité ? Si non, (comment) la synthèse est-elle reprise avec eux ? Avez-vous martelé, lors de ces synthèses, votre sollitude face à ces enfants ? L’espace d’une classe est clos, l’avez-vous aussi martelé ? L’avez-vous martelé aussi dans vos courriers ou bilans à la MDPH ? Si votre hiérarchie recherche le silence, d’autres ne peuvent-ils pas être sensibles à votre sollitude ?
Chez l’enfant, quels sont les évènements qui semblent déclencher des évènements inmaîtrisables en classe ? La séparation de l’adulte ? Les mouvements des autres enfants ? Le groupe ? Quelle taille de groupe semblent-ils le mieux à même de supporter ? Semble-t-il en mesure de tirer partie de sa scolarisation dans votre classe ? Qu’apprend-il, qu’at-il appris ? Si les réponses aux trois questions qui précèdent sont négatives ou nulles, cela vaut-il la peine de continuer à le scolariser dans ces conditions ? Qu’est-ce qui fixe son attention ? Dans des temps collectifs, où est-il le mieux ? Près de l’enseignant, loin de l’enseignant ? Avec quel autre élève se sent-il le mieux et réciproquement ?
J’ai essayé de balayer le plus large possible sur ces questions , tant pour l’auteure que pour des lecteurs qui peuvent être intéressés en tant qu’enseignant, qu’AVS, que parent...
Si l’une d’elle peut aider une personne je n’aurai pas perdu mon temps.
La sollitude face à un comportement ou un raisonnement que l’on ne comprend pas et que l’on ne peut pas comprendre est toujours la pire des calamités sur le plan personnel. Laisser des personnes ou des personnels, quels qu’ils soient seuls dans ces situations est une forme de violence. Je ne parle pas ici de la violence de l’enfant mais de celle l’institutiion qui reste silencieuse.