@ Pierre Régnier
Il est très intéressant que les passages qui vous scandalisent le plus dans l’Ancien Testament correspondent pratiquement tous à l’histoire de Moïse.
Il me semble que Girard l’a dit, mais je ne me rappelle plus dans quel ouvrage, Moïse est la grande figure mythologique de la Bible. Elle est beaucoup plus archaïque dans son récit et ses ressorts que l’histoire de Joseph (vendu par ses frères) pourtant plus ancienne « historiquement » mais d’une modernité étonnante.
L’histoire de Moïse commence comme celle d’Oedipe et de Paris, il est d’abord un enfant trouvé. Son appartenance ethnique aux Hébreux est sujète à caution et Freud l’avait bien noté. Ensuite, comme Oedipe et comme de nombreux dieux ou héros grecs (ou encore germaniques), Moïse présente une infirmité : il est bègue. Qui plus est, il est colérique, comme Héraclès.
Les 9 plaies d’Egypte peuvent correspondre à une exagération d’évènements réels, qui sont mises sur le compte de Dieu effectivement, prenant parti dans le conflit qui oppose Moïse à Pharaon. Il s’agit avant tout de la mise en scène imagée d’une grave crise sociale, et il n’est pas exclu que des esclaves juifs aient commis au cours de cette crise des exactions contre les égyptiens pour se venger des persécutions dont ils ont été victimes.
L’épisode du veau d’or est particulièrement intéressant. Ici encore, la bible relate une crise interne grave au sein des Hébreux réfugiés dans le désert. Moïse prend alors la figure du grand législateur, figure très présente dans l’histoire grecque en particulier et qui correspond, selon Girard, à la mise en place de lois après la mort d’un bouc émissaire. Moïse a-t-il été lynché sur le mont Sinaï ? Le fait est que lynchage ou non, la crise tourne au vinaigre et que les Lévites (compagnons égyptiens de Moïse convertis au judaïsme) commettent un terrible massacre qui finit par calmer le jeu. Il faut absolument comparer cette version avec celle du Coran. Dans ce dernier texte, quand Moïse redescend de la montagne et constate le desordre, son frère Aaron lui dit : c’est le samaritain qui a fait le coup. Les hébreux crèvent les yeux du samaritain (on retrouve encore Oedipe) et le chassent, ce qui rétablit l’ordre.
Comme pour le massacre des cananéens, il est important de noter que même dans un récit très fondateur et mythologique comme celui de Moïse, la violence n’est pas dissimulée, mais exposée jusqu’à l’écoeurement. Il faut se rappeler que dans les mythologies classiques, ce sont toujours les méchants qui se donnent la mort à eux-mêmes. ils ne sont jamais massacrés par les gentils.
Voilà, je suis un peu longue, mais il y a tant à dire...