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Commentaire de Ceri

sur La « parapolitique » : la politique selon Alvaro Uribe


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Ceri Ceri 22 octobre 2007 01:24

Oui j’ai fait un petit raccourci en disant que convivir et paras c’est la même chose. Mais quand on reprend l’histoire du paramilitairisme, on observe une très très forte imbrication entre les groupes payés par les narcos ou les grands propriétaires terriens pour se protéger des FARC, et les groupes de citoyens armés par l’Etat et travaillant avec l’armée.

Les paras ont été légaux dans les Convivir, mais ce sont les mêmes, quand la loi a été déclarée inconstitutionnelle, qui ont rejoint les AUC. Je remets le début de l’article (eh oui il est long mais en + j’ai mis que la fin, c’est dire ce que je vous ai épargné smiley

Les paramilitaires

En 1965 le gouvernement sort un décret[3] pour lutter contre les guérillas, qui commencent à se structurer militairement et financièrement. Ce décret prévoit l’armement de groupes de civils pour assurer la défense nationale[4], et devient une loi en 1968 (loi 48). En 1969 un règlement militaire[5] prévoit la constitution de groupes de civils armés pour lutter contre les guérillas, sous l’autorité de l’armée.

En 1991, une ordonnance du ministre de la Défense met en place des réseaux de renseignement, avec des retraités de l’armée, réseaux dans lesquels les instructions devaient être données uniquement oralement. L’un de ces groupes a été mis en cause par une enquête concernant le meurtre d’une centaine de civils, dont des syndicalistes et militants des droits de l’homme, dans le département de Santander.

La loi de 1969 a été déclarée inconstitutionnelle trente ans plus tard, mais les paramilitaires sont restés, et se sont retrouvés avec les citoyens armés dans les « Convivir » qui ont pris leur essor autour de Medellin (crées en 1994, ils sont déclarés inconstitutionnels en 1997, les paramilitaires se dirigeant alors vers les AUC). Uribe a beaucoup travaillé à leur création quand il était gouverneur de l’Antioquia, à tel point que Carlos Castano, le chef des AUC a dit de lui : « C’est l’homme le plus proche de notre philosophie ».

Aujourd’hui, des entreprises comme Chiquita (ex United Fruits), l’exploitant minier américain Drummond[6] ou Coca Cola pour ne citer que ces cas-là payent aussi ces troupes paramilitaires pour intimider ou liquider les syndicalistes, ou pour faire fuir les populations des zones convoitées (notamment les indigènes, puisque la Constitution de 1991 empêche l’exploitation à outrance des terres accordées aux populations indiennes). Amnesty a publié récemment dans son rapport “Killings, arbitrary detentions and death threats - the reality of trade unionism in Colombia”, qu’ « une stratégie coordonnée militaro-paramilitaire visant à saper le travail des syndicalistes tant en les éliminant qu’en tentant de discréditer la légitimité de leurs activités syndicales continue d’être appliquée »

Les déplacements forcés de population du fait de massacres, menaces et autres exactions, ou du fait des fumigations liées au Plan Colombie ont mis plus de trois millions de personnes sur les routes, essentiellement dans les régions visées par les multinationales. Un exemple parmi tant d’autres : les 5 000 derniers membres du peuple indigène U’wa vivent dans un parc naturel situé sur une zone où Occidental Petroleum peut extraire les quantités qu’elle veut. Cette zone est par conséquent fortement militarisée et paramilitarisée afin de protéger les infrastructures des attaques des FARC et de terroriser la population pour qu’elle ne soutienne pas les guérillas.

Paramilitaires et narcotrafiquants

Les narcotrafiquants des Cartels, comme Escobar à Medellin, se sont progressivement investis en politique, devenant conseillers municipaux, maires puis députés au Parlement (en 1982 pour Escobar). A côté de cela, sa fortune permettait de mener des actions sociales -construction de routes, d’hôpitaux, de maisons : le programme « Medellin sin tugurios » (« Medellin sans bidonvilles »), construction de terrains de football, d’un zoo gratuit- de manière à s’assurer un appui populaire. Tout cela, il faut le préciser, s’est passé également lorsque Uribe était maire de Medellin. Mais très vite, afin d’assurer ses arrières tant au niveau politique qu’au niveau du trafic, Escobar passe à l’assassinat de personnalités politiques et des mouvements syndicaux et sociaux. En 1989, il a par exemple fait assassiner trois candidats à la présidentielle. La même année le magazine Forbes le classe 7è fortune de la planète. 2. Chiquita_ColombieDonc, nous avons la constitution de groupes de citoyens armés par le gouvernement pour lutter contre les guérillas marxistes ; mais il y a aussi les armées privées des grands propriétaires terriens et des gros narcotrafiquants qui subissaient les attaques des FARC. Ces groupes de paysans armés pour défendre les grandes propriétés et les intérêts particuliers existent également depuis les années 60, mais se sont fortement développés dans les années 80, quand les cartels ont permis aux paramilitaires d’obte,ir de gros revenus avec le trafic de drogue. Les FARC se constituent en 1964 afin de structurer les groupes de paysans communistes qui tentaient de préserver les villages autonomes créés dans les années 50, après la « Violencia » (guerre civile de 1948 à 1953, déclenchée après l’assassinat du leader progressiste Jorge Eliecer Gaitan). A peu près à cette période naissent aussi l’ELN (plus guévariste que marxiste), l’EPL (armée populaire de libération, maoïste), le M-19 ou encore la branche armée du PC colombien... De leur côté, dès les années 50, les propriétaires terriens et les multinationales entretiennent des armées privées (comme United Fruit Company ancêtre de Chiquita).

Dans un style moins violent, les frères Rodriguez Orejuela du cartel de Cali ont préféré investir l’argent du trafic dans des entreprises légales (au moins une centaine), ne se sont pas engagés personnellement en politique et se sont contentés de financer les campagnes de certains candidats, de manière à avoir au moins un tiers du Congrès à leur botte. Avec leurs largesses envers les politiciens locaux et nationaux ainsi qu’envers les entreprises légales, ils se sont assuré de nombreux soutiens, et leurs enfants et petits enfants ont étudié en Europe ou aux Etats Unis et sont insérés dans la bonne société, parfois jusqu’à occuper des postes officiels.

Ces cartels contrôlaient tout le processus du trafic, depuis la production jusqu’aux filières de vente aux Etats-Unis. L’argent était souvent blanchi par le rachat de terres, les narcos se retrouvant alors parmi les grands propriétaires terriens. A partir des années 80, ils commencent à financer des milices officiellement pour se protéger eux (les guérillas faisaient quelques assassinats et enlèvements ciblés de pontes du narco trafic et d’entrepreneurs, ou de leurs proches) et leurs terres des guérillas. En réalité le but était d’expulser les paysans, et/ou de terroriser les leaders syndicaux et les militants de gauche qui luttaient contre l’accaparement des terres ou pour les droits de l’homme.

En 1982, les narcos mettent sur pied le MAS (Muerte A los Secuestradores, mort aux ravisseurs), un groupe de 223 chefs mafieux qui se donnent pour mission de tuer les membres d’une guérilla (le M-19) qui ont enlevé la sœur de membres du cartel de Medellin. Mais rapidement, le MAS s’occupe aussi de « nettoyage social » : élimination des délinquants, prostituées, indigents ; ainsi que de l’élimination des opposants politiques et leaders syndicaux... Le MAS a été la structure de base du « nouveau » paramilitarisme (ou « narco paramilitairisme) travaillant main dans la main avec l’armée et organisé par les narcos, certains bataillons de l’armée formant des paramilitaires dans le but de lancer la contre insurrection et éradiquer les guérillas.

Le MAS, d’après une enquête du procureur général colombien, a été constitué en août 1982 en application d’un accord entre des membres de l’armée et des éleveurs de bétail. Les premières actions (atteintes aux droits humains etc.) de civils armés agissant en coordination avec l’armée se sont faites sous le sigle du MAS, dans le Magdalena Medio d’abord, puis dans tout le pays. Une autre enquête du procureur général en 1983 a établi que 59 membres actifs de l’armée et de la police, dont un commandant et son second appartenant au bataillon qui a initié le « nouveau » MAS, ont participé à ce type d’actions. Tous ont été innocentés par la justice militaire.

3. Paramilitaires et politique

L’anéantissement de l’Union patriotique (UP) montre à quel point la présence paramilitaire a pris de l’importance au cours des années 80, et comment elle a servi les intérêts d’une certaine classe politique. Certains observateurs parlent de « génocide politique » du fait d’une volonté politique évidente d’éliminer les membres et sympathisants de ce parti d’opposition.

Après les accords de La Uribe de mars 1984 entre les FARC et le gouvernement, les FARC doivent « s’organiser politiquement, économiquement et socialement ». En mai 1985, l’Union Patriotique est constituée en tant que parti censé regrouper les différentes revendications de l’opposition de gauche, dans un pays dominé par les conservateurs et les libéraux depuis toujours...

Les accords de La Uribe sont vite transgressés, les FARC retournent dans la clandestinité et l’UP reste sur la placewebCOLOMBIA publique. Dès 1985 commencent les assassinats de ses représentants et de ses candidats aux différentes élections y compris la présidentielle, puis des massacres, comme par exemple celui du 11 novembre 1988 où quarante militants sont assassinés sur la placa major de la commune de Segovia dans l’Antioquia (le département duquel viennent 40% des 32 000 paramilitaires démobilisés). Des militants, des centaines de maires, des parlementaires ont été assassinés pendant plus de dix ans, mais seulement quatre cas ont été suivis de condamnations par la justice avant 1993. Finalement, l’UP a été interdite car ne réunissant pas assez de voix (il est à noter cependant que les paramilitaires ont fait pression sur la population afin qu’elle n’élise pas les candidats de l’UP). Aujourd’hui, les survivants ont prouvé l’existence d’au moins cinq plans mis au point par l’Etat, destinés à éradiquer l’UP au niveau national et régional[7]. Au moins 3 000 militants ou sympathisants de l’UP ont été assassinés en une dizaine d’années, dans un pays de 44 millions d’habitants.

En 1994, les frères Castano, des paramilitaires dont l’un, Carlos, a été formé aux techniques de combat et au managment de contre insurrection en Israël, entreprennent de regrouper différentes factions du Nord Ouest de la Colombie à partir de leur milice. Celle-ci a été mise sur pied avec la contribution des éleveurs, des producteurs de bananes du secteur et du cartel de Medellin, et fonctionnait avec la 17è brigade de l’armée. En 1997, les AUC sont constituées, réunissant la plupart des factions paramilitaires du pays sous les ordres de Carlos Castano. La même année, l’Observatoire géopolitique des drogues de Paris déclarait que plus de 80% de la cocaïne arrivant dans les ports européens provenait des zones contrôlées par les paramilitaires (essentiellement les zones côtières et le nord du pays).

Les paramilitaires sont également fortement impliqués dans le narco trafic, comme l’a explicitement dit Castano, qui possédait lui-même un grand nombre de laboratoires « clandestins » dans le pays. Dans les années 90 un rapport « secret » du DAS (les renseignements colombiens) mentionne dans le chapitre intitulé « Contamination des groupes d’autodéfense par le narco trafic » que « La crise économique à laquelle étaient confrontés les groupes d’autodéfense en 1985 a pu être résolue via une alliance avec le narcotrafic ».

A ce moment, les guérillas marxistes taxaient les cultivateurs de coca ou le transport dans les zones qu’elles contrôlaient, mais les paramilitaires contrôlaient la fabrication, le transport, l’exportation et la vente, en plus de taxer eux aussi les producteurs qui ne travaillaient pas directement pour eux.

A Medellin, la ville d’Alvaro Uribe, les paramilitaires ont la mainmise sur le commerce légal, comme les boulangeries, les casions les entrepôts d’achat et de vente en gros, les jeux d’argent, le change et les centres commerciaux, ainsi que sur le commerce illégal notamment la prostitution y compris celle des enfants, les réseaux de stupéfiants, le marché noir d’objets volés, les prêts, les armes, les extorsions... Grâce à l’intimidation et à la violence, ils ont réussi à s’installer dans les conseils municipaux, les associations de quartier, les institutions sociales, pour ensuite obliger les gens à voter pour les partis libéraux et conservateurs.

On pourrait parler longuement des accaparements de terres par les paramilitaires qui représenteraient entre 1 et 6 millions d’hectares selon les sources, officielles ou indépendantes. Il fallait donc spolier les paysans et indigènes qui y vivaient, et ensuite « protéger » ces terres des guérillas. On pourrait aussi parler des circuits de livraisons d’armes et de matériel militaire, et des formateurs américains, britanniques et israéliens envoyés en Colombie par les Etats-Unis pour entraîner et armer les paramilitaires dans le but officiel, selon le fameux Plan Colombie, de « lutter contre le narco trafic », puis finalement aussi lutter contre les guérillas. Les exemples vérifiés sont nombreux.

Et oui le gouvernement n’était pas en position de force, mais en grande partie parce qu’il est mouillé jusqu’au cou dans le paramilitarisme et ses exactions (la plupart des atteintes graves aux droits de l’homme sont le fait des paras et de l’armée, pas des FARC et autres guérillas cf. amnesty, HCR etc)donc au final c’est la population qui va devoir supporter que ces tortionnaires reprennent la vie civile, malgré les massacres et autres crimes.

Financer la réinsertion du para lambda qui s’est fait embarquer et n’avait pas forcément le choix, OK, mais pas les leaders ni ceux qui ont reconnus coupables de massacres, je pense qu’il faut arreter la mascarade à un moment...


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