@ Thierry Jacob
La Suède est désormais la première destination des demandeurs d’asile en Europe, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés. Avec plus de 17 000 dossiers déposés entre janvier et juin 2007, le pays scandinave arrive en tête devant la Grèce et la France (14 000 demandes). Le plus gros contingent vient d’Irak, devant la Somalie, la Serbie et l’Erythrée. l’an dernier, le gouvernement suédois de gauche sortant a mis en place une législation provisoire qui donnait une deuxième chance à des milliers d’Irakiens précédemment déboutés de leur demande d’asile. Leurs dossiers ont ainsi été réexaminés et beaucoup d’entre eux acceptés. On évalue à quelque 80.000 à 100.000 le nombre d’irakiens vivant en Suède depuis les années 1970 et 1980.
Human Rights Watch note que malgré leurs politiques actuelles refusant l’entrée aux Irakiens, les pays qui supportent le poids de cet afflux de réfugiés ne sont pas à l’origine de cette crise. La responsabilité de fournir et de préserver le droit d’asile aux réfugiés irakiens ne peut être imputée uniquement aux pays partageant des frontières avec l’Irak. Les États-Unis et le Royaume-Uni portent une responsabilité morale claire tant envers les réfugiés qui vivent dans la région qu’envers ceux qui cherchent encore un refuge. « Les États-Unis et le Royaume-Uni portent une responsabilité particulière dans l’aide aux personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de l’Irak », a affirmé Frelick. « Ils se sont engagés dans une guerre ayant causé directement des milliers de morts, des réactions de peur ainsi que des souffrances répandues, et des déplacements forcés. Ceci a précipité un conflit sectaire qui a entraîné de nouvelles violences, des persécutions et des déplacements sur une vaste échelle ». La volonté tardive de Washington cette année d’accorder l’asile à 7 000 réfugiés irakiens est un début bienvenu (bien que 3 500 réfugiés seulement soient attendus), ce n’est pas un partage adéquat du fardeau et n’aborde pas vraiment le problème au sens large, a dit Human Rights Watch. Le Royaume-Uni ne s’est même pas engagé à accueillir les Irakiens persécutés pour avoir aidé les forces britanniques en Irak.
Selon Amnesty International, il y a aujourd’hui au moins quatre millions d’Irakiens qui ont fui leur domicile et on estime que ce chiffre augmente chaque jour de 2 000 personnes : il s’agit du taux d’accroissement d’un tel phénomène le plus élevé au monde actuellement. Pour sa part, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) évaluait en juin à 2,4 millions le nombre d’Irakiens ayant fui leur pays, la plupart pour la Syrie et la Jordanie voisines, et à deux autres millions le nombre de ceux ayant été déplacés à l’intérieur même de leur pays. Amnesty International a également demandé aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux autres États contribuant militairement à la force multinationale en Irak de suivre l’initiative du gouvernement danois en réinstallant les Irakiens dont les vies sont à présent en danger, car ils sont considérés comme ayant aidé les forces étrangères, en tant qu’interprètes, chauffeurs ou autres. Les Etats-Unis font de plus en plus l’objet de critiques pour leur réticence à accueillir des réfugiés irakiens. 900 Irakiens seulement ont obtenu le statut de réfugiés aux Etats-Unis en 2006. Lavinia Limon, présidente de l’ONG Comité américain pour les réfugiés et les immigrants, estime que Washington devrait faire davantage pour aider à résoudre la crise des réfugiés irakiens. « Nous sommes consternés par le fait que le gouvernement américain n’ait pas jugé bon de secourir davantage de gens directement affectés par leur contribution à notre effort de guerre en Irak », souligne Mme Limon. Le gouvernement américain compte en accueillir 12.000 aux Etats-Unis au cours de la prochaine année, a indiqué la Maison Blanche le 3 octobre dernier. Ces 12.000 Irakiens feraient partie d’un maximum de 28.000 réfugiés originaires du Proche-Orient et d’Asie du sud. M. Bush a par ailleurs fixé à 20.000 le plafond des admissions en provenance d’Asie orientale, 16.000 d’Afrique, 3.000 d’Amérique latine et des Caraïbes, 3.000 d’Europe et d’Asie centrale, selon le document adressé au département d’Etat. Les 10.000 admissions restantes sur le total de 80.000 seront redistribuées selon les régions en fonction de besoins imprévus.
Pierre R.