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Commentaire de Catherine Coste

sur Transplantations d'organes et médiation éthique


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Catherine Coste Catherine Coste 24 octobre 2007 19:10

Merci pour ces réactions, car, comme le disait un écrivain anglo-saxon, tout écrivain écrit dans le but d’être dérangé. Je répondrai sur deux points : 1) Le point de vue du Professeur Bernard Debré 2) Les greffes en Espagne

1) Le point de vue du Professeur Bernard Debré : Chef du service d’Urologie de l’hôpital Cochin depuis 1990, Bernard Debré est à la tête d’une équipe de chirurgiens et de médecins qui gère 68 lits actifs. Ce service est classé comme le numéro un français en Urologie. Toutes les affections urologiques (qui touchent au système urinaire) y sont traitées : cancer de la prostate, du rein, de la vessie, hypertrophie prostatique, calculs, incontinence... De tous les services d’Urologie de l’Assistance Publique, celui du Pr Debré est celui qui a la plus grosse activité et la plus grande renommée. C’est dire si le Professeur Debré peut parler en toute connaissance de cause du problème des greffes, comme vous le soulignez d’ailleurs.

Dans son livre intitulé « Nous t’avons tant aimé : l’euthanasie, l’impossible loi » publié en 2004 aux éditions du Cherche-Midi (Document), le Professeur Bernard Debré revient sur les conséquences gravissimes d’un malentendu qui n’en finit pas de se développer, à l’égard du clonage : cloner, c’est mal, greffer, c’est bien. Voilà en gros ce que dit la Pensée Unique. « les greffes d’organes, matière à la fois compliquée, à cause des rejets, et douloureuse, en raison du manque chronique... d’organes à greffer ! » (ouvrage cité, p. 107).

Dans l’ouvrage cité, le Professeur Bernard Debré analyse le malentendu à l’égard du clonage [page 105-111] : le but de cette analyse est aussi de montrer qu’il faut sortir des dogmes avec lesquels on jongle pour justifier les prélèvements d’organes : « Croit-on que les dogmes ont disparu parce que la société se déchristianise ? Je connais pour ma part des athées plus dogmatiques et fermés au progrès scientifique que les prélats du XVIème siècle qui condamnèrent Galilée parce qu’il osait prétendre que la Terre tournait ! Et ils sont, j’entends le prouver, les meilleurs alliés des matérialistes de tout poil qui, en face, rêvent de soumettre l’Homme à la science, bref, de lui ôter cette singularité essentielle qui le différencie des animaux et des végétaux même si, nous le savons bien, tout ce qui vit participe du même Lego universel, l’agencement à l’infini de ces quatre lettres : A.G.T.C. (adénine, cytosine, thymine, guanine), autrement dit l’ADN... Un seul exemple de ce nouveau dogmatisme qui voit et fait voir la science comme une menace : le malentendu gravissime, qui n’en finit pas de se développer à l’égard du clonage, cette conquête scientifique majeure de la fin du XXème siècle dont le XXIème fera sans doute un acquis aussi essentiel que la conquête spatiale. Et peut-être plus fondamental encore puisqu’il permettra, et lui seul, de créer, non plus les machines, mais bien les hommes qui, génétiquement modifiés, non seulement sauront, mais pourront voyager dans l’espace ! Clonage ! A ce simple mot, les intelligences se ferment, les esprits se rebellent, et un long cortège de fantasmes s’ébranle, emportant tout sur son passage ! Inutile de discuter : pour certains, l’idée même de cloner une cellule est une hérésie : les mêmes qui vous expliquent l’impossibilité de la chose en confondant allégrement le clonage reproductif et le clonage thérapeutique (...) se battent pour qu’elle soit interdite (...). C’est que personne ne prend vraiment la peine d’expliquer au grand public que bien des cas aujourd’hui désespérés pourraient ne plus l’être si l’on autorisait les recherches sur le clonage humain ! Que cet enfant, ce parent, cet ami, que nous voyons s’éteindre, nous pourrions aussi bien le voir reprendre vie, pour peu que quelques vérités élémentaires s’imposent enfin...La première de toutes est que le clonage reproductif, dont on ne discerne ni l’avenir ni l’utilité s’agissant de l’Homme - les dictatures et les fanatismes religieux ont-ils jamais eu besoin de cela pour créer, à leur convenance, des hordes fanatisées partant au supplice dans l’espoir d’un paradis ? - n’est pas le clonage thérapeutique. La seconde, c’est que ce dernier, et lui seul, peut un jour parvenir à régler totalement la question des greffes d’organes, matière à la fois compliquée, à cause des rejets, et douloureuse, en raison du manque chronique ... d’organes à greffer ! Aujourd’hui, pour greffer un coeur ou un foie, il faut trouver un donneur. Un homme ou une femme, jeune de préférence, qui vient de mourir d’un accident, et dont certains organes fonctionnent encore. Mais il convient, pour pouvoir les utiliser, de remplir certaines conditions, dont la principale, qui n’est pas la moindre, consiste à déterminer leur compatibilité avec l’organisme du receveur. Et encore faut-il, dans ce cas, que la famille de la personne décédée soit favorable à un tel prélèvement ’post mortem’, ce qui est loin d’être fréquent, pour des raisons sentimentales aisées à comprendre. Il suffit d’avoir suivi un débat sur le sujet à l’Assemblée nationale pour saisir la charge d’irrationnel qui s’attache à cette question, y compris chez les personnalités réputées les plus ’froides’. Je me souviens d’un parlementaire ’bouffeur de curés’ - donc, j’imagine, athée - qui, dressant, le plus doctement du monde, la liste des organes pouvant être récupérés sur un ’mort’, fit soudain une exception pour les cornées ... Parce que, plaida-t-il dans une envolée logique, on ne pouvait traiter comme un autre organe ce qu’il appelait sans rire ’les portes de l’âme’. Regardons maintenant ce qui se passe pour les embryons dits surnuméraires. Il existe en France entre 80.000 et 100.000 embryons congelés en laboratoire. D’où viennent-ils ? Tout simplement de tentatives non finalisées de procréations assistées, tant il est vrai que, pour réussir une fécondation in vitro, il faut d’abord préparer une dizaine d’embryons, puis en implanter deux ou trois dans l’utérus de la mère. Qu’advient-il des autres ? Justement rien, beaucoup de mères renonçant à essayer de procréer quand plusieurs tentatives se sont révélées vaines. Destinés à être détruits, au nom de quoi ne seraient-ils pas utilisés pour la recherche, donc pour sauver des vies en danger ? En l’état, ils n’ont pas davantage d’avenir sur terre qu’un corps qui vient de mourir et dont les organes ne seront pas prélevés, soit qu’ils sont inutilisables, soit que les familles ne veulent pas confier à la science les organes de leur enfant ’mort’... Malgré la loi Caillavet, ce qui est leur droit le plus strict. Si la médecine était autorisée à les analyser, elle avancerait en effet à pas de géant, puisqu’elle pourrait étudier sur une grande échelle, ce qui constitue sans doute la découverte la plus prometteuse de ces dernières années : l’existence, en chacun d’entre nous, de cellules souches ’pluripotentes’ amenées à se spécialiser en une future cellule de foie, de pancréas, de coeur ou d’os ! Nous savons d’ores et déjà que, chez l’homme comme chez l’animal, la plupart des organes adultes sont de véritables réservoirs de cellules souches, destinées à remplacer les cellules qui disparaissent. La cicatrisation d’une plaie, la consolidation osseuse, la pousse des cheveux, les cellules du cerveau elles-mêmes, peuvent se renouveler, se régénérer, à partir de ces cellules. On a même découvert que des cellules souches situées dans la moelle osseuse (qui est à l’origine du sang) font preuve, en laboratoire, d’une stupéfiante plasticité. Cultivées, elles peuvent donner dans un cas des cellules cardiaques, dans un autre, des cellules du foie ou du cerveau. On a même démontré que des cellules normales (de rein, par exemple) pouvaient retourner à l’état de cellules souches et ainsi servir à créer n’importe quel organe...Mais pour faire aboutir ces travaux exaltants, il faut néanmoins continuer à travailler sur les cellules souches des embryons surnuméraires ...D’ailleurs, quelle différence de nature y a-t-il entre un amas cellulaire constituant un embryon de cinq jours, et un amas de cellules souches issues d’un homme adulte et cultivées dans un milieu spécial ? Ces deux amas possèdent l’un et l’autre, à condition de le vouloir, d’étonnantes virtualités, dont celle, pourquoi pas, de remplacer la plupart de nos organes défaillants ! Tel est l’aspect fondamental de la recherche sur le clonage thérapeutique : achever de percer le mystère de la spécialisation cellulaire en apprenant à repérer, à identifier, à sérier, ces véritables ’anges gardiens », pour mieux les inciter, le cas échéant, à ’redémarrer’ vers la construction d’un organe complet. Un organe parfaitement sain qui deviendrait le nôtre, et serait ainsi greffable sans danger ! De nombreuses personnalités scientifiques, dont quatre prix Nobel, réclament l’ouverture de ce champ de recherche inespéré. Pour l’instant sans succès. Alors que, dans le même temps, on réfléchit à autoriser l’euthanasie sur des personnes en fin de vie, malades, certes, mais cependant bien vivantes ! N’est-ce pas ce qui s’appelle marcher sur la tête ?" Voir aussi le livre du Professeur Bernard Debré : « La Revanche du serpent ou la fin de l’homo sapiens », éditions Le Cherche-midi, 3 novembre 2005 : Les dogmes et principes avec lesquels on jongle pour justifier les transplantations d’organes (la générosité du don est l’un de ces dogmes ou principes) et affirmer la supériorité des transplantations, sur le plan de l’éthique, en comparaison avec les thérapies cellulaires et le clonage thérapeutique, seraient à revoir, selon le Professeur Debré : « on se demande encore si on peut se servir d’embryons humains congelés pour faire progresser les recherches de génétique thérapeutique, alors qu’on affirme qu’il est bien plus éthique de laisser attendre des milliers de malades... attendre qu’ils aient la chance de profiter de la malchance d’un autre, cet autre dont le corps n’aurait plus d’avenir sur cette terre, hors celui de sauver la vie d’un inconnu ». Une stratégie de la promotion des transplantations d’organes à tout prix et pour tout prix risque d’engendrer de graves retards dans le développement de la thérapie cellulaire... Selon le Professeur Debré, affirmer la supériorité éthique des transplantations d’organes sur les thérapies cellulaires et le clonage thérapeutique est hypocrite.

Dans le documentaire diffusé sur Arte fin février 2007 « Les fabricants de coeurs », le Professeur Augustinus Bader, Université de Leipzig, Allemagne, explore cette voie, qui est celle de la médecine régénérative : à son sens, le patient porte la solution en lui. En s’appuyant sur la thérapie cellulaire, Bader entend guérir à terme les organes, voire en créer de nouveaux. Selon lui, il sera possible un jour de régénérer un cœur défectueux au moyen de cellules souches congelées. Le mot clé de cette thérapie est la régénération. Ce qu’elle a de révolutionnaire, c’est qu’elle fonctionnera à l’inverse du médicament, fabriqué pour le plus grand nombre : chaque individu aura sa thérapie en propre, qui ne pourrait fonctionner sur un autre patient. Pas de machine, pas d’organe étranger, pas de rejet. Comme le dit le Professeur Augustinus Bader : « Les cellules d’un patient A ne seront jamais transplantées chez un patient B, car elles seraient rejetées ». Cette nouvelle thérapie supprimerait donc aussi le problème des rejets... Lien vers le Blog post « Les fabricants de coeurs » : http://ethictransplantation.blogspot.com/2007/03/documentaire-les-fabricants-de-curs.html Plus d’informations sur le site d’Arte : http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/L-homme-immortel/1480372,CmC=1480350.html

2.) La situation en Espagne : du 29 au 31 mars 2007 ont eu lieu les « Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique : Donner, recevoir un organe , Droit, dû, devoir », au Palais Universitaire de Strasbourg. Ces Journées Internationales d’Ethique ont été proposées par le Centre Européen d’Enseignement et de Recherche en Ethique (CEERE) de Strasbourg et le Centre d’Etude, de Technique et d’Evaluation Législatives (CETEL) de Genève (Suisse). Mme Marina Alvarez, National Transplantation Organisation (ONT), Madrid, a présenté le modèle espagnol. Lien vers la video de son intervention : http://w3appli.u-strasbg.fr/canalc2/video.asp?idvideo=5988


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