@ NIKO74
Vu sur place, ce conflit entre l’armée turc et le PKK est désolant.
Je me trouve avoir des amis dans les deux camps et je garde un triste souvenir de cette région où j’ai eu l’occasion de me rendre, notamment à Diyerbakir en avril 1991, au moment où l’armée réprimant une manifestation dans le centre de la ville, déclencha une répression sanglante..
Il me reste des images qui ressemblent à des photos de la guerre d’Algérie : des soldats, debouts sur un plateau désolé, entourant braquant leurs armes sur un groupe de villageois assis sur le sol.
Je me rappelle aussi, dans un stade de Gaziantep, le jour de la fête de la jeunesse, du regard terrifié des soldats au milieu de la foule, serrant leurs fusils G3, tandis qu’au centre des enfants des écoles effectuaient une chorégraphie au son d’une musique martiale..
Et aussi un jour, sur un vapeur d’Istanbul, d’avoir été interpelé par un jeune étudiant turc qui me racontait, à moi un inconnu, qu’il n’avait pas envie de partir au service militaire dans une région hostile, et tuer peut-être des gens qui ne lui avaient personnellement rien fait..
Et aussi, il y a quinze ans maintenant, de la rédaction en plein Istanbul du journal Özgür Halk (Peuple libre), à l’époque organe du PKK, et du fait que ces gens pouvaient être tués d’un jour à l’autre..
Et d’un brave type qui fut mon compagnon de voyage en bus de Gaziantep à Ankara et qui était un « bérêt bleu » (komando) de l’armée turque, fier d’avoir franchi la frontière irakienne en pourchassant les « terröristler » et dont je savais qu’il avait plus que du sang sur les mains..
Ce brave garçon, heureux d’être en permission, souhaitant m’emmener avec lui dans une virée au bordel.. Je lui ai faussé compagnie..
Et aussi d’un soir au « gazino » où mon compagnon de beuverie m’a dit à voix basse, en me montrant la serveuse :
« Elle ne porte jamais de décolleté parcequ’elle a été en prison, sa poitrine est pleine de cicatrice »
.. et, tandis que je regardais autour de moi, il a ajouté :
« Les clients ici, ce sont tous des »têtes noires« , il n’y a ici que des kurdes, tu peux avoir confiance.. »
Une scène inoubliable, dans le meilleur film d’un réalisateur kurde mort en exil à Paris :
« Yol » de Yilmaz Güney
http://www.bleublancturc.com/TurcsconnusFR/images-TRconnus/Yol.jpg
http://www.filmreference.com/images/sjff_02_img0688.jpg
Losque des soldats turcs ramènent pour identification dans un hameau sur une remorque de tracteur des corps de combattants kurdes tués pendant la nuit et que l’officier, s’adressant aux villageois, commence son discours par :
« Camarades, ce pays est le nôtre.. » et qu’il répète ainsi le début du poême de Nazim Hikmet (Bu memleket bizim).
http://www.lesouk.org/SOUKCultDar.htm
Les villageois défilent alors devant les cadavres, et aucun ne reconnaitra les siens..
Curieusement, dans cette scène, on ne trouve pas de haine..
Elle reste pour moi représentative de ce conflit absurde.
Pour information : le PKK ne réclame pas l’indépendance, mais un statut d’autonomie, sur le modèle de la Catalogne..
gAZi bORAt