Les journalistes ont gagné une liberté certaine vis-à-vis du pouvoir politique, mais ils sont plus de plus en plus dépendants du pouvoir économique. Et en premier du pouvoir que possèdent leurs propres employeurs. Face à ces derniers, souvent des industriels puissants aux multiples filiales, les journalistes ont peu de marge de manœuvre. Et la loi ne les aide guère en la matière.
De ce fait, à l’heure où les médias sont entre les mains de propriétaires souvent plus soucieux de revenus que de vérité et d’équité, l’initiative européenne prise par mes confrères pour une plus grande indépendance des journalistes va dans le bon sens.
Cependant, elle restera de loin insuffisante. Car la question est en fait bien plus large, c’est celle de la responsabilité mal assumée de la presse : comment est garantie l’éthique de l’information de journalistique ? Aucune instance n’existe en France (hors la justice) pour réguler ce domaine qui conditionne pourtant la qualité du lien social.
Certes, tout un chacun peut être journaliste. Le régime de la presse s’appuie en France sur nos textes fondateurs. Notre Déclaration de 1789 dit, par exemple, que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». C’est pourquoi ce droit est reconnu à tout citoyen.
Mais informer, communiquer des faits d’actualité au public, c’est autre chose que d’exprimer simplement une pensée ou une opinion. Informer exige un savoir-faire, une formation et engendre une responsabilité. On n’informe pas quand on relate seulement son ressenti ou ses constats. Un certain nombre de règles déontologiques et épistémiques doivent être respectées si l’on veut être exact, juste et pertinent.
Si l’on me permet cette auto-référence, dans mon livre paru en 2006 « L’Information responsable, un défi démocratique » (éd. ECLM), j’ai lancé le débat et proposé des analyses et des méthodes pour définir - et promouvoir - la spécificité de l’information journalistique.
J’y montre notamment, exemples à l’appui, que le secteur professionnel et institutionnel de la presse ne permet pas, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, de garantir une qualité suffisante de l’information.
Je plaide aussi, avec quelques confrères regroupés au sein d’une Association pur la création d’un Conseil de presse en France (APCP, http://apcp.unblog.fr), pour la création d’une instance de régulation qui serait aux mains, non des pouvoirs publics, mais des journalistes, des éditeurs... et du public.