Merci, Wrisya, de ta pondération. Je crois avoir beaucoup « expliqué ma vision », mais, tu sais, il n’y a pas pire sourd, etc., etc. La question préalable que devraient se poser tes doux admirateurs est probablement : où se situe, exactement, dans le(s)quel(s) de ses propos, le « radicalisme » dont nous affublons Ibraluz ?... Quelques commentaires, encore, à ton commentaire : tu utilises le concept de tradition judéo-chrétienne. Que dirais-tu de celui de tradition judéo-islamique ? Ou, encore moins fouillé, de tradition islamo-chrétienne ? Des hauteurs du Pamir aux rivages atlantiques, 14 siècles nous contemplent...
Voici deux extraits d’une intervention que j’ai faite, il y a quelques années, lors d’une rencontre interreligieuse. Ils me semblent ici opportuns.
[...]On entend ainsi dans les coulisses œcuméniques de bien singuliers bruissements. Oh certes, on se défend à haute et intelligible voix de tout syncrétisme réducteur ! Néanmoins, lorsqu’on présente le prophète de l’islam comme un être inspiré, dans la lignée des Lao-Tseu, Ezéchiel et autre Manès, le Saint Coran devient une expression humaine, fruit adapté d’un milieu et d’une époque ; expression sublime certes, mais limitée par leurs contingences. Insiste-t-on par ailleurs sur le caractère humain, humaniste, du Christ sans renoncer au dogme de l’incarnation et voilà Dieu descendu dans la rue, portant humblement numéro de sécurité sociale et panier de consommateur soumis à la loi du marché.
Expurgé de sa dimension essentielle, le spirituel n’est plus envisagé que sous son aspect moral, comme une politesse civique tenant cette même loi du marché dans des limites viables. La religion, antidote de l’animalité sauvage, soit : mais les religions ? On se prend alors à rêver d’une belle et bonne soupe commune où tout soit dans tout et réciproquement, excluant les conflits religieux et autres spécificités culturelles...
Or c’est précisément dans l’altérité que l’humanité se forge. Non pas une altérité de diversité mercantile qui donne à s’investir dans un étalage de marchandises, ni une altérité « altercative » où l’on ne se pose qu’en s’opposant ; mais une altérité de potentialisation énergétique : des hauteurs, des profondeurs, des réservoirs de plus ou moins grande capacité, définissent différents systèmes cohérents, éventuellement concurrents, au sein d’une unité fondamentale, globalement insaisissable. [...]
[...]Outre les nombreuses variations transversales sur les thèmes du miracle et de la miséricorde, des coupes longitudinales sont à même d’éclairer, avec pertinence, les conséquences de ces positions doctrinales. Ainsi, l’incarnation divine a inscrit au cœur du chrétien l’idée de l’Etre Pur, non souillé par la dialectique génération/dégénération. Résonnant avec les spéculations grecques sur l’Etre en Soi, cette idée a d’une part absorbé la philosophie occidentale, toute consumée par l’appréhension de l’Etre, et d’autre part, creusé un redoutable fossé entre chair et esprit, matière et énergie, lisible jusqu’en les plus laïques appréciations du Réel.
De son côté, le nuage d’inconnaissance, couvrant Dieu à l’entendement du musulman, rend caduque toute recherche approfondie sur l’Etre. Aussi la philosophie, au sens occidental du terme, fut-elle objet d’une constante méfiance en terres d’islam. Cependant, si l’Etre n’est pas connaissable en soi, il l’est par ses œuvres et ses noms et c’est en ce sens qu’on peut légitimement parler d’une véritable philosophie de l’Acte en islam, d’une part, et, d’autre part, d’une culture généralisée de l’Apparat, où le respect de l’étiquette prime sur l’expression de soi. A ce titre, la problématique en islam se situe bien moins entre matière et esprit qu’entre apparent et caché. [...]
A plus.