Les deux hommages que je lis ce soir sur A-VOX m’ont émue, et que demande - t on à un artiste, qu’il soit de pinceau ou de plume, d’accords ou de burins, que de nous émouvoir ?

Sommes nous tous des ados en recherche de modèle qu’il nous faille trouver chez un artiste une sorte de gourou ?

Faut-il renoncer à déguster « L’homme à tête de chou » ou « Mélodie Nelson » sous prétexte que l’auteur était un vieux macho alcoolique ?

Faut-il bannir Céline des bibliothèques à cause de sulfureuses options politiques ?

Camille Claudel, Van Gogh... Des fous furieux... Brûlerons-nous leurs oeuvres ?

Coluche était parfois poujadiste... Je jette ses vidéos ?

Je n’écoute plus les petits bijoux d’ Aznavour parce qu’il ne veut pas payer ses impôts en France ?

Je n’ai pas besoin qu’un artiste soit un surhomme (ou surfemme) pour apprécier ce qu’il offre. Pour la morale, la conscience politique, l’exemplarité, j’ai ce qu’il me faut ailleurs, merci.

Cette « peopolisation » qui veut que la notoriété soit synonime d’avis autorisé sur tout et n’importe quoi est pathétique.

Ce n’est pas parce qu’un mec va me mettre les larmes aux yeux, m’enthousiasmer, me transporter,m’embarquer dans une pièce de théâtre, un film, un bouquin, une toile, ou en poussant sa chansonnette que je vais le reconnaître comme maître à penser... Laissons chaque chose à sa place, s’il vous plaît !

Qu’est ce qu’un artiste ?

Quelqu’un capable de faire en sorte qu’en exprimant ses émotions, quel que soit le medium, un certain nombre de gens s’y retrouvent en ressentant la même émotion, ou d’autres, mais s’y retrouvent quand même.

Un artiste n’a pas fait d’étude de marché : il est sincère, et on le suit dans sa sincérité. On y adhère.

Un artiste ne nous endort pas en nous servant la soupe qu’on attend : il se met à nu, il s’offre, et espère un écho.

L’écho résonne ou pas, à plus ou moins grande échelle, et on vous demande après ça d’avoir un avis sur la politique internationnale, les questions sociales, le prix de la baguette...

Certains s’en sortent : leurs engagements, leurs réflexions, leurs vécus soutendent leurs oeuvres, en sont à l’origine, les étayent...

Mais tout le monde ne « pense » pas l’expression de sa révolte, de sa souffrance, de son besoin de partager, de diffuser l’émotion.

Les Rita Mitsouko ? J’ai adoré, même les moins bons, pour le décalage, le « politiquement incorrect » de l’époque, le vestiaire « kiloshop » de Ringer qui ridiculisait les « années fric », les trémolos de diva hystérique qui répondaient aux murmures en vogue, la grosse baffe trash d’un tampon hygiénique entre les dents pendant un concert, sa dent sur pivot perdue en direct, les injures de Gainsbourgh, en ces temps hygiénistes de polissage et de look , une grande araignée filiforme à moustache qui battait des pattes sur sa guitare et qui ressemblait au père de mes enfants en un temps où des bodybuildés huilés me demandaient « Kesstufous avec lui ? ».

Higelin, Fontaine, Catherine, Fersen, Chao, Arno, Bashung... Soignez-vous bien !