A tal :
En fait c’est simple :
Quand j’étais petit (il y a environ mille ans), il arrivait à mon père de recevoir des touristes de passage. Nous passions nos étés à la ferme, avec les moyens de la ferme comme tu peux l’imaginer pour n’importe quel français moyen ou plus aisé. A part la différence de décor et quelques détails d’outillage et d’ameublement, c’est la même chose : on utilise les moyens du bord.
J’ai déjà passé de courts séjours dans les campagnes françaises et ça m’a rappelé furieusement les campagnes algériennes. Rien de fondamentalement différent. Peut-être qu’il y a plus de mécanique, des vaches plus grasses mais l’essentiel reste le même. Si tu n’es pas misérable, tu disposes du minimum vital et tu t’arranges avec ce dont tu disposes : après tout, tu es en vacances et on veut justement passer quelques jours dans un environnement moins conventionnel et plus « naturel ».
Ces touristes justement, dégustaient la cuisine, remerciaient et distribuaient les sourires.
Le problème était qu’ils commentaient la chose sans prendre aucune précaution, croyant stupidement qu’un campagnard et son petit garçon ne devaient EVIDEMMENT pas comprendre un traître mot de français. Vous pensez ! un si petit gars, en CM2 au grand maximum, dans un pays arabe, ils n’ont même pas imaginé...qu’on passait seulement quelques jours de vacances à la ferme et qu’on habitait en ville.
C’était stupéfiant : ils avaient une interprétation des choses hallucinante.
« C’est remarquable ! même pauvres, ils ont un sens de l’hospitalité élevé. Ils ont dû puiser dans leurs réserves et nous avons peut-être englouti toutes leurs provisions. »
« Oui mais ce serait une offense que de ne pas faire honneur à leur cuisine »
« ah quand j’entends nos compatriotes râler, je voudrais qu’ils viennent faire un tour ici pour mesurer la dignité de ces gens »
Ces abrutis avaient tout faux : on était une famille relativement aisée. Leurs remarques me blessaient car un enfant ne supporte pas qu’on le traite de « pauvre ».
En réalité, mon père avait pris en sympathie ces gens qui avaient l’air perdu. L’air égaré de ces européens face à un monde extraterrestre. Il se disait qu’ils devaient chercher un contact humain, craindre de déclencher l’hostilité dans une ex-colonie qui pourrait en vouloir à tous les français. Il voulait casser la barrière qu’ils transportaient avec eux.
Et ces cons faisaient de l’anthropologie à deux balles !