À Perlin,
Oui, le processus d’élaboration des lois est assez bien construit (Conseil d’État, Conseil des Ministres, Parlement avec Commission, plusieurs lectures éventuellement, Conseil Constitutionnel éventuellement...) sauf que lorsqu’il s’agit de sujets de société très importants, ce processus est insuffisant pour atteindre la maturité d’une bonne loi.
Je m’explique sur deux exemples : si la modification du Code pénal sous Méhaignerie avait été suffisamment pertinente, on n’aurait pas eu besoin de refaire les lois de 1998, 2003, 2004, 2005 et sans doute 2008 (la loi qui est le sujet de cet article). Or, à chaque fois, ce sont des faits divers qui sont les déclencheurs. Mais la sécurité de tous aurait pu être pensée sans ces faits divers, avec de la (vraie) réflexion en amont.
L’exemple positif, ce sont les lois sur la bioéthique. Elles ont été faites dans un long processus de réflexion sur plus d’une décennie (voire deux décennies) et ne semblent pas faire l’objet de contestation tout en pouvant évoluer... mais aucun fait divers n’a été le germe déclencheur de ces lois, seulement une réflexion approfondie sur un sujet important (et moderne).
Le problème actuel (qui date de plus de dix ans), c’est que beaucoup de lois sont motivées par des faits divers ou des cas particuliers (comme le coup tordu d’un « patron voyou »). Il en ressort une multiplication des lois qui paraît complètement absurde quand on sait que « nul n’est censé ignorer la loi ».
Quant à la peine de mort, avec les engagements européens, et son inscription constitutionnelle, la remise en cause de l’abolition de la peine de mort est fort peu probable. Même si par exemple Jean-Marie Le Pen venait à arriver au pouvoir, il lui serait impossible d’avoir la majorité des trois cinquièmes pour réformer ce point précis (même N. Sarkozy a besoin des socialistes pour faire sa révision constitutionnelle). Sans prendre en compte que l’appartenance de la France à l’Union Eurooéenne pourrait alors être remise en cause...
Enfin, Robert Badinter, sur ce sujet, ne parle pas de « droit des coupables », puisque la personne concernée a DÉJÀ purgé sa peine. Il ne s’agit donc que d’un criminel potentiel, d’une personne susceptible d’être dangereuse. Mais comment les juger ainsi ?
Et cette présomption d’innocence que vous semblez regretter est essentielle.
Toute personne pourrait m’accuser (à tort) de n’importe quelle infraction. Si je suis immédiatement considéré comme coupable, c’est encourager toute sorte de fausse déclaration. Il faut qu’on prouve que j’ai réellement commis cette infraction avant d’être considéré comme coupable. C’est la moindre des choses en pays de liberté que de ne pas dépendre d’une personne malveillante. C’est d’ailleurs le problème des rumeurs qui peuvent être sévèrement condamnées.
Même pour un fait accompli en flagrant délit, il y a besoin d’un procès. Dans des matchs sportifs, parfois, la caméra a permis de départager deux versions d’un fait pourtant observé de plusieurs dizaines de milliers de témoins. Entre un témoignage et une preuve, il y a une grand distance.
Bien cordialement.