Je crois que vous avez mal entendu mon message.
Je vous ai dit qu’en amont d’une constitution [qui fixe le cadre légal], il y a une assise d’ordre philosophique, écrite ou implicite, des principes abstraits qui la légitime. Je ne sais que trop bien que ce n’est pas cette charte. A ce sujet, j’’aimerais avoir réponse à deux interrogations :
- quels sont ces principes (qui ne sont pas ceux de cette annexe mais autres) ;
- pourquoi ne sont-ils pas dans un souci de lisibilité clairement énoncés.
Je dois dire que nul partisan du « oui », nul politique européiste n’a jamais répondu à cette question simple, exigeant une réponse simple, et salutaire [je me flatte], salutaire car elle obéit à un souci pédagogique, afin que tout citoyen, même peu versé dans le jargon en usage dans ces choses, puisse se prononcer en toute conscience. Par exemple, si en 2005, on avait dit au peuple, plutôt que lui fournir un pavé indigeste et embrouiller sa cervelle de part et d’autre par des disputes hystériques, quelque chose comme : « Voici une liste de x principes, nous avons échafaudé une constituion à partir de ces principes, cela vous sied-il ou non », je ne sais pas, une sorte de décalogue très simple, commençant par : « I. Un seul dieu tu adoreras : le Marché. II. Tu adoreras ton père et ta mère qui sont... le Marché ». Ce n’est qu’un exemple, fantaisiste bien sûr.
Dans cet exemple que je vous ai donné tantôt, j’essayais de déterminer par moi-même ce que peut concrètement désigner un « émeutes ou trouble grave à l’ordre public », trouble suffisamment grave pour paralyser le Marché. Je ne crois pas qu’en novembre 2005 certains de nos concitoyens d’au-delà du périphérique aient mis gravement en péril l’économie du pays. J’imagine donc une émeute de plus grande ampleur - ce ne serait plus une émeute alors mais ou une insurrection ou une concommitance d’émeutes, toutes sans objet évidemment, sans cause, le manifeste d’une voyoucratie contagieuse, toujours grossissante - ou bien d’une autre nature. A vrai dire, je ne comprends pas même le pourquoi de pareilles imaginations, j’en cherche candidement l’intention, puisque l’Union européenne - c’est sûr - nous portera jusqu’en terre promise. C’est vrai, pourquoi y aurait-il un jour des émeutes énormes ? Il n’y a pas de raison, qui voudrait de cela pour ses concitoyens, ses frères, ses pairs, ses égaux ?
Accessoirement, on pourra s’interroger sur la bonne ou mauvaise foi de partisans du ’oui’ qui n’ont pas manqué de brandir ostensiblement cette annexe afin de faire du prosélytisme.
Il se passe fréquemment ceci dans notre pays : le gouvernement entend mener telle politique, le parlement légifère ad hoc. Tout cela se déroule le plus légalement du monde, la mécanique institutionnelle suit son cours. Et pourtant il arrive qu’en bout de chaîne une instance rejette cette loi, elle la juge illégitime. En vertu de quoi, son bon plaisir ?
Ce problème de ce qui est légitime et de ce qui est légal, l’un générant nécessairement l’autre, est au coeur de cette question du traité. Ce sont la lettre et l’esprit de la loi, quelle qu’elle soit, et si la lettre est jolie, chatoyante, pleine de promesses, c’est à l’usage souvent qu’on connait sa vérité. A moins bien sûr qu’on en saisisse l’esprit, ce qui n’est pas à la portée de tout citoyen malheureusement, ce qui fait malheureusement qu’il y a risque que le puissant, celui qui entend, trompe celui qui n’entend pas. Ce serait dans un monde où la lutte des classes existe de facto, la caste des experts et des professionnels des choses contre la populace si bête évidemment. Le pays d’en haut contre le pays d’en bas. Le pays de ceux qui se lèvent tôt contre ceux qui vivent de ce travail.
Dans la même veine, pour changer le sens entier d’une République, il suffit de trouver sa clef de voûte. Par exemple de transformer la notion d’« interêt général » [soit tous, majorité + minorité] par : « le Président définit la politique de la nation ».
Ca donnera au tragdien matière à de beaux dialogues :
LE PEUPLE : « Vous êtes le Président de tous, la Nation n’est pas une chose, l’identité nationale c’est le Peuple et rien que lui, c’est nous ! »
LUI : « Que nenni, la chose publique a été ambitieusement réformée, maintenant je conduis la politique de la nation et je sers mon parti, mes amis, ma classe. »
LE PEUPLE : « Mais pendant la campagne vous avez promis, vous vous êtes donc livré à une démagogie effrénée. »
LUI : « »Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent", ai-je retenu de mon mentor.
LE PEUPLE : « Malheur ! Malheur ! »