• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Ronny

sur Le CNRS pépinière de Nobels ? La bonne blague !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Ronny Ronny 23 décembre 2007 11:53

@ auteur

L’article est intéressant parce qu’il est très dans l’air du temps. On dirait même un « article de commande » tant les propose tenus sont caricaturaux (ce qui en soit ne serait pas grave, la caricature pouvant être un art) et mensongers (ce qui est plus grave l’article devenant dès lors de la propagande).

Je connais assez bien l’organisme de recherche mentionné, et je peux donc repondre à certains des points évoqués.

Ayant eu, par hasard l’occasion récente de discuter avec un responsable du CNRS, j’ai entendu à nouveau l’argument selon lequel le CNRS aurait offert à nouveau à la France un Prix Nobel en la personne d’Albert Fert. Il est clair que c’est faux. Et bien non. A. Fert n’est certes pas un personnel remunéré par le CNRS, puisqu’il est professeur d’universté. En revanche il dirige une équipe CNRS, associée d’aileurs à un industriel qui n’arait pas mis de billes dans cetet équipe si elle était mauvaise. Le CNRS a donc mis un certain nombre de postes, et de l’argent dans cette équipe, et, en conséquence contribué fortement à ce prix Nobel. Cas fréquent, pour ne pas dire général : Je cite d’ailleurs l’intéressé (Cf. Le Monde du 24/10) : « Les derniers Prix Nobel français en physique - Pierre-Gilles de Gennes, Georges Charpak, Claude Cohen-Tannoudji et moi-même - ont tous accompli une partie importante de leur carrière, soit au CNRS, soit dans un laboratoire mixte CNRS-université. » On est donc un peu loin des propos d’après boire de l’auteur.

Ensuite vous commettez deux erreurs fondamentales. La première a été relevée par « esprit destricteur » plus haut. Elle consiste à oublier que le CNRS est opérateur de recherche, et pas une grande ecole ou une fac. Il contribue donc largement, comme l’INSERM, et toujours comme cet intervenant le dit, à la réussite d’autres personnels, que ceux-ci officient à la fac ou dans une grande école. Nombre de labos de l’ENS sont d’ailleurs des labos associés au CNRS qui les soutient souvent bien plus que l’école où ils se trouvent. La même remarque s’applique aux labos CNRS des universités d’ailleurs.

La seconde erreur est d’évaluer le rôle du CNRS - et quelque part son efficacité - au critère unique du nombre de Nobel. Cette démarche reviendrait à évaluer la qualité globale des véhicules d’un fabricant X ou Y en regard du nombre de voitures de ce fabricant ayant été élue « voiture de l’année ». On voit tout de suite l’etroitesse du critére en constatant que sur les 30 denières années ni Mercedes ni BMW figurent à un tel classement, marques pourtant réputées pour la qualité de leur produits.

N’oublions pas que le CNRS a pour missions premières d’accompagner et de produire de la connaissance. Celle-ci se mesure en grande partie au niveau des publications scientifiques réalisées. Une étude bibliométrique des publications CNRS a été réalisée voila peu, en se fondant sur la base de données SCI (Science Citation Index) produite par l’Institute for Scientific Information (ISI). C’est une base de données américaine qui répertorie chaque année la plupart des publications mondiales avec une prédominance de littérature anglo-saxone (donc pas favorable aux équipe françaises a priori). Cette étude réalisée en 2004 montrait que les équipes et personnels CNRS publiaient à eux seuls presque 70 % des articles français dans les domaines fondamentaux que sont la physique, la chimie, la biologie, les sciences pour l’ingénieur, les sciences de l’univers. Le CNRS publie en physique autant que l’ensemble des chercheurs britanniques réunis, et 15 % de l’ensemble des publications européennes en chimie sont le fait de laboratoires CNRS, proportions qui s’établit juste au-dessus de 10 %, toutes disciplines confondue .

Vous pouvez bein sur penser que les article publiés sont mauvais. Et bien non, pas de chance ! On peut en effet mesurer le facteur moyen d’impact d’un article (en d’autres termes son intérêt pour la communauté scientifique). Ce facteur d’impact des articles issus de personnels ou labos CNRS est supérieur à l’impact moyen européen dans les domaines de la biologie, fondamentale et appliquée, et de l’écologie. Il est comparable à celui de nos compétiteurs britanniques et allemands dans le domaine des sciences pour l’ingénieur, ou de la chimie. Votre remarque aigrie « Le CNRS n’est nullement la pépinière de génies scientifiques, qu’il pourrait et devrait être, comme certains (du CNRS comme par hasard) veulent nous le faire croire » tombe donc comme un fruit trop mur ! SI ce ne sont pas des génies, ce sont en tous cas des scientifiques d’un excellent niveau, égal ou supérieur au niveau moyen européen.

Autre erreur ou méconnaissance du CNRS, plus loin. « Ces savants exceptionnels n’ont pas été l’objet de la reconnaissance attendue, au sein même du CNRS, où l’on progresse plus vite et plus sûrement en faisant du syndicalisme que de la recherche. » Tout d’abord, je vous renvoie à la remarque de A. Fert cité plus haut, sur l’appui qu’il a recu du CNRS. Ensuite, je rappelle qu’il a obtenu en 2003 je crois al médaille d’or du CNRS. Enfin, je recite ses propos sur la reconnaissance. Au sujet de ses recherches : « c’était un projet à risque dont personne ne pouvait savoir s’il allait aboutir. Le CNRS l’a financé, parce que cet organisme est capable de discuter avec les chercheurs et de les accompagner. Une agence de financement sur projet, elle, ne l’aurait jamais retenu : c’était à l’époque un sujet trop marginal et loin des thèmes à la mode... Une agence de financement est un instrument intéressant, pour booster certaines directions de recherche et soutenir les bonnes équipes. Mais elle choisit des thèmes, elle sélectionne des orientations. Le CNRS, lui, est en contact plus direct avec les chercheurs, ce qui lui permet d’être réactif sur des sujets nouveaux qui n’auraient pu être définis à l’avance. » Eclairant, non ?

Je passe sur votre second propos d’après boire sur le soi-disant rôle de l’appartenance syndicale pour progresser au CNRS, qui relève au mieux de la rumeur et au pire de la calomnie. Manque de chance encore, il se trouve que j’ai eu a examiner des dossiers de création d’équipes au CNRS et de recrutement de jeunes chercheur à plusieurs reprises (7 fois !) comme membre extérieur. Lors des délibérations, où la moitié des membres étaient des étrangers (jury international) pas une seule fois l’appartenance syndicale a été mentionnée. Seules ont compté la qualité du projet et celle du candidat. Je ne suis pas sur que d’autres organismes, y compris des universités, soient capables d’en faire autant tant le recrutment peut y être biaisé.

Vos parlez aussi des médailes de bronze en les qualifiant de « dérisoire »... Cette médaille est attribué de façon très selective à de jeunes chercheurs prometteurs. Le fait que certains d’entre eux aient obtenu plus tard la médaille Fields n’est que la confirmation de la pertinence de l’attribution de cette médaille par le CNRS. Enfin, pour parfaire la démonstration de votre méconnaissance du CNRS, vous dites : « Quant au CNRS, ils sont assez nombreux à y faire de brèves incursions, surtout en début de carrière car il faut bien vivre, mais bien des signes indiquent qu’ils n’y sont pas spécialement reconnus. » Il se trouve que certains de mes collègues universitaires qui siègent dans les commissions de promotion CNRS (comité national) et dans les commissions d’université disent tous, sans exception, que les carrières sont bien plus facile à la fac qu’au CNRS. Ainsi un dossier de promotion chargé de recherche/directeur de recherche au CNRS (équivalent d’un passage maitre dde conf/prof 2eme classe à la fac), est-il en réalité d’un niveau tel que le candidat pourrait être promu directement profeseur de 1ere classe à la fac. Il on également vu des dossiers de professeur de classe exceptionnelle qui n’avaient pas la qualité des dossiers de passage directeur de recherche CNRS. C’est tout dire ! Pas étonnant dans ces conditions que certains préfèrent les carrières universitaires. Et n’allez pas accuser le CNRS : ce sont les contraintes budgétaires de Bercy qui l’étrangle.

Pour diriger les lecteurs vers un article que j’ai rédigé et qui leur expliquera en partie le pourquoi des attaques envers le CNRS, je copie le lien ci dessous : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=30225

Et pour finir, je recite A. Fert, toujours dans Le Monde : « Le CNRS a un rôle de coordination nationale, de stratégie à long terme, de gestion de grands instruments et de soutien de chercheurs sur des projets à risque, toutes tâches qu’il est seul à pouvoir assumer. Gardons-nous de détruire cet outil, auquel notre pays doit la qualité de sa recherche ! Les crédits n’ont pas toujours été suffisants, mais le rapport qualité-prix y est excellent.I> » Ce n’est pas le mot que j’utiliserais pour qualifier votre article !


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès