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Commentaire de vigie

sur Présidentielles, la vérité comme exigence morale


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vigie 16 septembre 2006 17:02

Rectificatif : petites et grandes vérités aux royaume des avantages,si égalité il y a alors elle doit etre pour tout le monde .

LA VERITE SUR LES PRIVILEGES DE NOS PARLEMENTAIRES

(JOURNAL « Marianne » - 27 janvier 2003)

Alain Juppé et Laurent Fabius ne sont pas les deux seuls retraités à jouir d’un traitement de faveur. Les parlementaires, ô anomalie républicaine, disposent eux aussi d’un régime de pension un peu trop profitable. A l’aube de la douloureuse réforme des retraites, ce privilège pourrait bien ne pas résister à une nouvelle nuit du 4 août. Philippe de Villiers, qui a humé ce vent abolitionniste, devait déposer, ce lundi, une proposition de loi "demandant l’alignement du régime de retraite des parlementaires sur celui des Français les moins favorisés : les salariés du privé".

Ce n’est pas la philanthropie qui guide le président du Mouvement pour la France. "Je fais cela pour les emmerder. Tous. A commencer par Juppé, qui aurait dû - c’eût été moins nocif - prendre sa retraite de la politique !". Pour être opportuniste, l’initiative promet, à coup sûr, de faire bouillir le Palais Bourbon. Les députés y sont, en effet, assez largement arc-boutés sur leurs avantages acquis. Et ils sont nombreux. Dans la plus grande discrétion, nos élus jouissent de « privilégiatures » - le mot est de deVilliers - qui en font des donneurs de leçons peu légitimes. A fortiori quand ils prétendent faire accepter aux Français, au nom de l’égalité républicaine, l’allongement de la durée de cotisation, l’harmonisation de la durée de cotisation, l’harmonisation

des secteurs privé et public et l’abrogation des régimes spéciaux.

Un élu du peuple devrait être exemplaire. Les parlementaires le sont dans le mauvais sens. Quoique calqué, dans ses grandes lignes, sur celui de la fonction publique - 37,5 annuités de cotisation -, leur régime de retraite recèle un privilège d’envergure : l’obligation, pour un député, ou la faculté, pour un sénateur, de cotiser doublement pendant les 15 premières années de mandat. Il leur en coûte, certes, près de 20% de leurs indemnités (850 E par mois pour un sénateur, 1.100 E pour un député). Mais, rapportées au gain rondelet, les sommes cotisées paraissent modiques. "Quand je suis arrivé, explique Jean-Christophe Lagarde, député-maire U.D.F. de Drancy, on m’a expliqué que je toucherai 1.500 E mensuels de retraite après un mandat - 5 ans de cotisation -, puis le double après le second". Vrai. Et le système va ainsi crescendo jusqu’au plafond : après 22,5 années de cotisations, un député empoche le jackpot : près de 6.000 E mensuels.

Au Sénat, la trajectoire pécuniaire est assez similaire, quoique moins exponentielle (le mandat dure 9 ans).

Après un mandat cotisé double, l’élu percevra une pension de 2.800 E, puis 5.000 E après le deuxième...

Jusqu’à 5.900 E après le troisième mandat. L’ouverture du droit à pension, en outre, compte parmi les plus précoces : 55 ans pour un député ; 53 ans pour un sénateur. L’un et l’autre peuvent, ultime dérogation, cumuler d’abord leur indemnité, puis leur retraite de parlementaire avec toute autre rémunération ou pension. Seul est proscrit le cumul des retraites de député, de sénateur et de conseiller économique et social. Voilà qui, mis bout à bout, permet de mieux comprendre pourquoi les ministres issus de l’Assemblée ou du Sénat se sont, cet été, battus - avec succès - pour continuer de cotiser à ce très profitable régime de retraite, assez largement embrumés.

A preuve : sur la vingtaine d’élus interrogés, moins de la moitié en a percé sinon les mystères, du moins les principes fondamentaux. « C’est de la pure capitalisation », croit savoir Maurice Leroy, député U.D.F. de Loir-et-Cher, à l’instar de Jean-Marie Le Guen, son confrère P.S. de Paris.

Pour un peu, cette ignorance pourrait être cocasse. Elle est surtout inquiétante. Créée en 1904, la Caisse de pensions des députés, autonome - en vertu de la sacro-sainte séparation des pouvoirs,est alimentée par une cotisation des élus et abondée par l’Etat, via une subvention inscrite au budget de l’Assemblée. Point de réserves, donc, mais une pure répartition. A ne pas confondre, il est vrai, avec la Caisse de retraite des sénateurs, système mixte qui a tout d’un fonds de pension à cotisations et prestations définies. Explication : depuis sa création en 1905, cette réserve sénatoriale, aujourd’hui dotée de plus de 500 millions d’euros, s’est maintenue, tandis que l’Assemblée, sous la houlette de Philippe Seguin, a choisi de reverser sa « cagnotte » à l’Etat au milieu des années 90.

Retraités et cumulards.

« La retraite est loin », plaident-ils en choeur, pour excuser les lacunes abyssales qu’ils ont sur leur propre système. Privilégiés et conscients de l’être, tous préfèrent n’en point trop parler. Le centriste Bernard Bosson y consent, qui ne résiste pas au plaisir de stigmatiser les riches cumulards.

« Ne faisons pas de l’antiparlementarisme, mais soyons les premiers à dénoncer le cumul, avant que la lucidité des journalistes ne le perce à jour », plaide le député maire U.D.F. d’Annecy. Le socialiste Henri Emmanuelli relève, un rien perfide : "Chirac, lui, touche, outre son traitement de président, sa retraite de parlementaire et celle de fonctionnaire. ça, c’est inadmissible !". Le député P.S. des Landes n’est pas fonctionnaire...

D’autres élus préfèrent se draper dans la mauvaise foi. "Je ne vois pas en quoi le régime est spécial, prétend Henri Weber, sénateur P.S. de Seine-Maritime. Le droit à la double cotisation n’est que la juste compensation offerte à qui est assis sur un siège éjectable« . Et d’asséner : »Il y a plus urgent que cette réforme !« . Complicité de caste, Philippe Marini, sénateur U.M.P. - R.P.R. de l’Oise, surenchérit dans la défense des droits acquis.  »Ce système date de la IIIème République : il préexistait au régime général. Il a fait la preuve de son efficacité sur la durée".

Voire. Marini, lui, c’est sûr, fait la preuve de son libéralisme légitimiste. Surtout quand il ajoute : "L’ancien doyen Geoffroy de Montalembert, mort en fonction à 94 ans, a cotisé 47 ans durant sans toucher, jamais, un sou de retraite." Le cas est unique. Qu’importe. Marini conclut, radical : "Il n’y a aucune raison d’aligner notre régime sur celui de l’agent S.N.C.F. de base ! Soit on estime qu’il faut des parlementaires et on les traite correctement, soit on se résout à n’en plus avoir". Tous ces privilégiés raisonnent à l’identique. Et le socialiste Le Guen de couronner l’argumentaire : "Nous, nous n’avons le droit ni aux Assedic ni aux primes de licenciement..." Tout juste omet-il de mentionner le pécule dont est assortie la fin de mandat des députés remerciés : six fois l’indemnité parlementaire de base.

Bosson, lui, tente de jouer la carte de la mesure : "Qu’il y ait un régime spécial, c’est normal. Poincaré, qui fut président de la République, est mort avec l’aide sociale. Veut-on des hommes libres ou des pauvres types aux ordres, de peur de n’être pas réélus ?« . Le même a toutefois le courage de reconnaître : »Bénéficiaire d’un régime dérogatoire, je ne me sens pas bien dans mes godasses pour trancher le débat sur les retraites pour tous les Français. Or ce devrait être le rôle d’un parlementaire".

Il n’ira pas plus loin. Lucien Degauchy, député U.M.P. de base, et de l’Oise, ne craint pas, lui, de franchir le pas, fût-ce seulement en paroles : "Je suis pour une uniformisation des régimes : pourquoi ne pas permettre aux autres de cotiser double ?« . Plus réfléchi, François Goulard, député U.M.P. - D.L. du Morbihan, confesse : »C’est le régime dérogatoire d’une nomemklatura. Une anomalie« . Le député prône... »un alignement sur le régime général des salariés« . Sans grande illusion sur sa chance d’entraîner les parlementaires jusqu’à l’autel du sacrifice. »Rien d’étonnant à ce que notre régime soit favorable : c’est nous-mêmes qui le faisons« rappelle avec bon sens Yvette Roudy, députée P.S. du Calvados à la retraite. André Santini, député U.D.F. des Hauts-de-Seine, ne dit pas autre chose : »Je vais être très vigilant... à ce que rien ne change !"...


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