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Commentaire de Francis BEAU

sur Guerres de religions, guerres économiques


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Francis BEAU Francis BEAU 4 janvier 2008 12:06

« On trouve souvent, sous un prétexte religieux, des raisons très « matérielles » : économiques, politiques, sociétales... ».... « (...) les principaux motifs des guerres de religion (...) furent économiques autant (sinon plus) que religieux. »

Je ne dirais pas « souvent », mais « toujours ». Les conflits sont par nature (par essence), toujours matériels. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la structure la plus élémentaire de la société qu’est le couple : les conflits naissent toujours des contingences matérielles auxquelles les deux partenaires sont confrontés. Un monde sans contingences matérielles serait un monde paradisiaque, sans guerres, et probablement également sans religions.

De la même manière, je ne dirais pas que les motifs des guerres de religion sont « autant sinon plus » économiques que religieux. Les motifs sont avant tout économiques, le religieux servant de prétexte permettant de donner du « cœur à l’ouvrage » aux guerriers à qui il est plus difficile de demander d’aller se faire tuer au nom de motifs économiques qui leur échappent la plupart du temps tant les sociétés sont complexes, plutôt qu’au nom de Dieu.

Mais revenons aux mots. Economie - Du grec oikonomos (oikos : clan, maison et nomos : règle, usage, loi) : gestion de la maison, des biens. L’économie est le fondement de toute société humaine, qui gère par l’usage d’abord, puis par la mise en œuvre de règles et de lois (politique ou religion) les contingences matérielles inhérentes à toute vie sociale. L’établissement d’usages, la mise en place de règles et de lois, au cœur même du concept économique, ont pour pour seule et unique finalité de régler les innombrables conflits d’intérêt qui naissent de toute relation entre individus. Lorsque la politique échoue à « gérer » les contingences matérielles au sein de la « maison », c’est la guerre. Toutes les guerres sont « économiques » au sens qu’elles ont toutes pour origine un différend de nature économique, lorsque la politique ne parvient pas à régler les différends matériels au sein du « clan » ou de la « maison ».

En réalité, si l’on revient au sens éthymologique du terme, la guerre est l’échec de l’économie : c’est la faillite de la « gestion de la maison ». Dans ce sens, on peut dire que l’expression « guerre économique » telle qu’elle est utilisée dans le discours moderne impliquant l’application de l’art de la guerre au domaine économique, c’est-à-dire assimilant le « champ » économique à un champ de bataille est un contresens.

L’expression « guerre économique » est terriblement ambiguë : soit elle exprime l’origine de la guerre (guerre d’origine économique), et c’est un truisme (toutes les guerres sont d’origine économique), soit elle désigne un des « théâtres d’opérations » (domaine de lutte) de la guerre, et elle n’a pas grand sens puisque le champ économique où se situe la source du conflit est de facto le premier théâtre d’opérations du conflit, soit elle exprime l’application des « lois » de la guerre à l’économie et c’est un mortel contresens.

POUR CETTE RAISON, L’EXPRESSION « GUERRE ECONOMIQUE » EST A BANNIR ABSOLUMENT.

A tous ceux qui verraient dans cette exhortation, de la naïveté ou un certain angélisme, je m’empresse de répondre en quelques mots. Plutôt que d’invoquer la légitime défense en brandissant cette expression comme une bannière pour la justifier et appliquer les lois de la guerre à l’économie, il vaut beaucoup mieux la combattre. Il faut « déclarer la guerre » (au sens figuré d’abord), par tous les moyens juridiques, politiques ou diplomatiques à tous ceux de nos partenaires économiques qui assimilent le champ de l’économie à un champ de bataille en s’abritant derrière cette formule pour s’affranchir des règles du droit international et de la concurrence, et se préparer à leur faire la guerre, la vraie, si les moyens juridiques, politiques et diplomatiques ne suffisent pas.


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