Un certain nombre d’évidences semblent échapper à nombre d’intervenants sur ce fil, dont l’auteur de l’article. Il est TOUJOURS difficile de se faire accepter par une communauté majoritaire lorsqu’on s’aggrège à celle-ci. Dans le cas présent, se surajoute la stagnation sociale qui fait que pour tout jeune issu d’un milieu défavorisé, les perspectives d’embauches sont ardues, injustes, souvent humiliantes.
Plus généralement, on ne peut pas s’attendre à ce que la communauté d’accueil fasse tous les efforts. Là où il existe, je vous l’accorde, une certaine perversion à la française c’est que ce pays, sans son psychisme collectif, combine en ce moment les pires effets corrosifs de l’auto-dénigrement tout en nourrissant un complexe de supériorité. Il serait plus simple si le Français avait le nationalisme primaire de l’Américain : là-bas le Mexicain nouvellement naturalisé qui brandit la bannière étoilée est citée en exemple, ici le Maghrébin cocorico provoque un malaise. Quelque chose à voir avec un déficit d’assabiya ( n’est-ce pas, Fouad ?) en France. Une France forte et sûre d’elle assimile (ou incorpore) plus aisément qu’une France inquiète. Et paraît à coup sûr beaucoup plus désirable.
Dans l’excellent roman qui brasse à la fois le poème vieil anglais Beowulf et le Risala d’Ibn Fadlan, ce qui a donné le film le Treizième Guerrier, Crichton fait dire à son narrateur, riche émissaire du Calife de Baghdad, entraîné dans une aventure aux côtés d’une bande de Vikings, que chaque nation a tendance à s’attribuer toutes les qualités... sauf en matière de sexualité, où l’on a tendance à créditer (et à craindre) chez l’étranger des avantages dans le domaine. De même, Bertrand Russell donnait une définition amusante du nationalisme : croire qu’un pays est supérieur aux autres... parce qu’on y est né.
Je pense qu’on ne viendra jamais au bout des préjugés collectifs - le tout c’est de faire en sorte qu’ils n’atteignent pas un degré critique et dangereux. Et quand on se sent à l’aise dans sa propre culture, on peut se frotter aux autres sans risques pour son amour-propre et sa dignité. Je trouve exagérés les réactions écorchées de dost-e-man Tafazzoli ci-dessus : quand on est issu de la culture qui a produit Hafez, Saadi, plus proche de nous Hedayat, par exemple, on n’a que faire de l’agressivité des incultes. Et c’est bien la première fois que je rencontre un Iranien se plaindre de la France, dont les habitants sont plutôt iranophiles... quand ils savent le reconnaître.