Les contrôles s’accroissent là où la communication diminue. Le vivre-ensemble implique l’interaction : se parler, commenter, faire des réflexions, intervenir. Dans l’idéal, le fumeur demanderai tà ses voisins de bistrot si sa fumée les gène, et ceux-ci n’auraient pas peur de protester s’ils se sentaient enfumés. Tout est fait pour éviter des situations potentiellement conflictuelles : les trottoirs condamnés par des potelets métalliques pour éviter d’avoir à verbaliser les voitures mal-garées et, surtout, à faire en sorte que ces contredanses soient réellement payées. On aseptise et on édulcore : les agences bancaires ressemblent à des agences immobilières : pas le moindre guichet ni biffeton à l’horizon, et les opérations se passent exclusivement sur un écran. L’apparente tranquillité et sécurité se paie en retour par un contrôle omniprésent et sournois.
De même, la multiplication vertigineuse de caméras de surveillance, de vigiles, de portiques, vient à combler le vide sidéral : par peur, lacheté, paresse ou tout simplement l’esprit ’ça ne me regarde pas’ les gens n’interviennent pas en cas de conflits. De plus en plus, à l’américaine, les contentieux entre voisins deviennent ’adressez-vous à mon avocat’. Surtout les aléas de la vie - on oublie souvent que celle-ci est dangereuse, imprévisible, vouée à s’arrêter un jour, sont de plus en plus pensés en termes de faute, de coupable, de victime et de réparation.