"Il ne me semble pas digne de vilipender des entrepreneurs qui avaient mal évalué leur risque."
Ca serait vrai s’ils avaient joué leur propre pognon. Auquel cas ils auraient à mon avis conservé tout leur bon sens paysan. Je doute que des fonds personnels comme Berkshire et Soros y laissent autant de plumes.
C’est une des causes des bulles : la sur-homogénéité de la corporation financière. Tout le monde se connait, tout le monde a son MBA de la même fac de Nouvelle-Angleterre, et on discute agréablement. En début de bulle, tout est normal, pas de problème. Quand on commence à dépasser nettement le trait, imaginez que vous soyez un acteur unique qui prend conscience du danger, qu’allez-vous faire ? Hurler au loup ? On va vous rire au nez. Insister ? Qu’est-ce que vous allez gagner ? Si vous avez tort, vous avez perdu job et réputation pour rien. Si vous avez raison, le jour venu on vous aura oublié. Si vous la fermez, personne ne vous accusera d’avoir fait comme tout le monde. Et si ça pète, il vous reste une chance de passer entre les gouttes. On peut appeller tout cela le "consensus des analystes", le conformisme, le "panurgisme", mais en tout cas aucun système ne se réforme jamais de l’intérieur. Il faut un flash de réalité.
Normalement, pour les banques, ça s’appelle les "règles prudentielles". Mais il est si simple et si tentant de les contourner un tout petit peu, et ce n’est pas malhonnête, d’ailleurs tout le monde fait pareil. Et c’est invérifiable de l’extérieur : la socgen vient de nous annoncer qu’elle ne connait même pas sa propre exposition.
Il y avait par contre des milliers de signaux d’alarme extérieurs. Encore eût-il fallu que l’administration s’y intéressât. Mais elle avait autre chose à faire, en Irak par exemple. Et c’est si tentant de refiler la patate au successeur avant qu’elle ne brûle. Elle en est d’ailleurs encore là avec son "plan de relance" pipeau.
Quand aux médias, comme les journaux économiques, leur capacité d’analyse et de recul semble asymptotiquement voisine de zéro. Ils vendent, eux aussi.
Dans votre article, vous parlez surtout de l’immobilier, mais si c’est le premier truc qui pète, c’est parce que c’est le dernier truc qu’on a gagé. Tout le reste du marché du crédit est dans le même état.
La situation est beaucoup plus simple que cela : les US sont endettés de trois fois leur PIB. Ils ont en plus atteint un niveau d’inégalité tel que leurs revenus ne touchent plus le tiers de la population, totalement paupérisée. C’est une situation d’endettement comparable à celle du Japon il y a 20 ans, avec la même asphyxie des banques. Mais comme c’était le moteur de la demande mondiale, la situation est en fait tout à fait proche de celle de 1929. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts.
En tout cas, les administrations US feront tout pour sauver le système bancaire, comme tout le monde l’a fait, France incluse, dans les années 1930. Cela signifie que toute la planète, moi et vous, va payer la planche à billets US.