@l’irrascible Alexandre Santos
Je ne sais si c’est votre patronyme qui vous pousse à de tels excès de langage. Soit. Je préfère préjuger de rien. Mais j’ai peut-être porté atteinte à la fierté de l’idalgo que je me suis permis de mentionner.
Figurez-vous que j’ai longtemps vécu à la frontière espagnole et que cette « tradition de contrebande » que j’évoque, je l’ai connue dès ma plus tendre enfance, quand j’allais en colonie de vacances à l’extrême sud du Vallespir. Une de nos excursions préférées était d’aller grimper sur une montagne d’environ 1 800 mètres d’altitude qui nous donnait l’illusion et la jouissance de voler du regard un coin de terre espagnole. On l’appelle le Mont Capel, en raison de sa forme originale qui la fait ressembler à un chapeau. En fin d’après midi, sans avoir à montrer de papiers, de carte, et bien sûr sans voir un képi, nous redescendions de « l’autre côté », c’est à dire en zone espagnole. Cette impression d’illégalité nous ravissait. D’autant que dans la lande parsemée de bruyères, il y avait une ferme isolée. On appelle ça, un cortal. Le bâtiment ressemblait à tous les fermes basses de la région. Murs de pierres équarries, lauzes assurant la couverture, des fenêtres petites et étroites, une barrière en tronc de châtaigniers qui servait d’enclos pour les bêtes. Mais l’originalité tenait à l’aménagement intérieur, car une fois la porte franchie, nous plongions au coeur d’une véritable caverne d’Ali Baba bourrée d’alcool set de cochonnailles. Les murs étaient tapissés de bouteille d’anisette, de pastis contrefait, de gin, de Vetarano Osborne (marque de brandy symbolisé par un fameux taureau viril qui a longtemps décoré les routes espagnoles), et bien sûr de tabac (dont les célèbres Ducados). Des jambons et des saucissons étaient accrochés à chaque poutre. Il y avait aussi sur le comptoir fait de rondins, des tas de confiseries et des sachets de déliceuses boulettes d’anis. C’était du reste le seul butin que nous avions le droit de ramener à la colo... Il va sans dire que cet « établissement » n’était pas implanté dans une région aussi isolée juste pour ravir notre regard d’enfants...
Plus tard, j’ai parcouru l’Andorre, du nord au sud et d’est en ouest, ainsi que la petite enclave espagnole de Llivia qui se trouve près de Puicerda et j’y ai vu et appris des pratiques que l’on ne m’avait jamais enseignées dans mon enfance...
Plus tard encore, au Sahara cette fois, dans une région peu fréquentée, j’ai été ébahi de tomber sur un souk-fantôme en plein désert. L’endroit était bien choisi, au centre d’un noeud de frontières emmêlées : à quelques kilomètres de l’ancienne zone de protectorat français, en limite de la zone de protectorat dévolu à l’Espagne, non loin de l’enclave espagnole de Sidi Ifni et de l’ex-colonie espagnole du Rio de Oro. Le tout à deux cents kilomètres à vol d’oiseau des Canaries. On dit aussi que les Algériens, les Mauritaniens et les Maliens venaient s’y ravitailler...
Dernier point : comment dites-vous « contrebande » en marocain, en algérien, en tunisien et même en banlieusard parisien, lyonnais, marseillais et autres villes en tête de la première division qui pratique ce sport ... On dit « trabendo » n’est-ce pas. Tout un programme.
Désolé. Il n’y a rien d’outrageant de parler ainsi. Il suffit d’ouvrir les yeux et d’aimer regarder la vérité bien en face. Mais rassurez-vous, les Espagnols ne sont pas les seuls à agir ainsi en Europe du sud. Un jour que j’aurais le temps, je vous raconterai peut-être les planques des douaniers niçois qui, il n’y a pas longtemps encore, tentaient de bloquer le mobilier italien de luxe qui passe régulièrement la frontière du côté de Vintimille. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais ça m’étonnerait que le manège ait cessé. Cessez donc de pousser des cris d’orfraie parce qu’on « touche » à l’honneur de l’Espagne. Les Canaries sont une plaie béante ouverte au flanc sud de l’Europe. Sebta et Melilla aussi. Les Baléares ne sont pas en reste. Sans parler de Gibraltar (avec les Anglais) et de l’Andorre bien sûr. L’Europe ne pourra se construire que si les mêmes règles sont appliquées partout. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Bien à vous. Patrick Adam
16/10 02:16 - Fred
Et voilà, la France critique et stagne, et l’Espagne travaille. C’est toujours (...)
28/09 06:05 - Visiteur Indigène
28/09 05:55 -
Merci Cyp pour tes interventions de qualité face à cette meute connue dont je me complait à (...)
24/09 17:57 - Bulgroz
Patrick, Femmes mauriciennes pas maliennes, il a dit Cyp, le cocker à DW qui le nourrit de (...)
24/09 17:48 - Patrick Adam
@ IP:xxx.x69.178.235 Merci d’avoir remis les pendules à l’heure avec cyp, mais (...)
24/09 13:10 -
Cela pourrait s’intituler : « De l’intérêt d’accueillir des immigrés (...)
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