M. Dugué,
Comment pouvez-vous écrire, à l’indicatif, et sans le "semble" que vous soulignez plus haut, je cite : "Mais cela n’a pas fonctionné, une fois, cette fois, alors on a trouvé un lampiste qui n’est pas exempt de responsabilités. Disons qu’il s’est fait piéger...". Plus loin, vous répétez : "Pour l’instant, un lampiste est trouvé.".
Qualifier Kerviel de lampiste, dire qu’il s’est fait piéger, c’est affirmer qu’il n’est pas l’auteur des actes qui lui sont imputés. Vous allez vite en besogne, vous allez plus loin échafaudez des théories... et tombez finalement dans le même travers que celui des journalistes que vous critiquez ardemment. Pourquoi ne pas reconnaître simplement que vous n’en savez rien et essayer de comprendre ?
Pour l’instant, Kerviel a reconnu les faits pendant son interrogatoire. On peut affirmer que la banque est responsable de ne pas avoir décelé le problème plus tôt au travers de son système de suivi des risques qui, au demeurant, est reconnu par tous les professionnels comme l’un sinon le meilleur au monde. On peut lui reprocher d’avoir amplifié le désordre sur les bourses cette semaine. C’est tout. Les avocats n’avancent pas de fait nouveau (en tout cas publiquement). Ils paraissent juste vouloir tirer argument du fait que lorsque la position a été découverte, elle était gagnante, et que c’est la banque qui, en la dénouant, a réalisé les pertes. C’est bien faible...
Certes, rien n’est à exclure mais à ce stade tout le reste ne peut être qu’hypothétique. Croyez-moi, les explications fournies jusqu’à présent par la banque - et qui peuvent certes apparaître comme abracadabrantes pour quelqu’un d’extérieur à ces métiers - sont en réalité tout à fait plausibles quand on en connaît les mécanismes. Je ne veux pas gloser sur le thème "pourquoi n’est-il pas inhabituel d’avoir des expositions de plusieurs dizaines de milliards d’euros" (il suffit de vous demander quelle est la capitalisation boursière mondiale et le montant des transactions quotidiennes, vous aurez une idée de ce que peut représenter le marché des dérivés ; ensuite, considérez une part de marché importante) ni rentrer dans le détail des différences entre positions couvertes ou non. Je dirai simplement que nombreuses sont les pertes très importantes entrainées, chez toutes les banques, par la conjonction malheureuse d’un trader outrepassant ses limites et d’un système de contrôle défaillant précisément devant la technique employée par le trader pour dissimuler ses actes. Le risque opérationnel et le risque humain font partie des risques habituels du métier de banquier. Cette réalité, ignorée du grand public qui ne voit que les plus grands scandales, exactement comme pour tous les faits divers, explique que la SG soit totalement épargnée par les autres banques du monde : toutes savent que cela peut leur arriver demain, surtout si cela arrive à la meilleure élève !!! Notez qu’une telle mansuétude n’est pas une règle absolue.
Restent plusieurs questions : quelle est l’étendue des dysfonctionnements de la filière de contrôle des risques, qui semble s’être laissé berner par les explications de Kerviel ? La direction, la hiérarchie savaient-elles et ont-elles laissé faire, voire couvert, voire poussé à la roue, voire donné des consignes ? Aurait-il été possible de mieux dénouer la position, sans pertes tant qu’à faire, d’agir plus tôt ?
Votre article suggère, avance des thèses, affirme. Tout cela ne prouve que deux choses : 1) vous n’y connaissez rien, ce qui en soit ne serait pas criticable si vous pouviez vous retenir de prétendre pouvoir nous éclairer. 2) vous êtes de parti pris contre la direction de la banque. De manière à peine moins stupide - pardonnez-moi - que Mme Royal dans ses commentaires probablement motivés par une rare opportunité politicienne. Alors, qu’apportez-vous sur le fond ? Qu’apprenez-vous au lecteur sur le fonctionnement d’une salle de marché, les positions prises habituellement, les principes qui régissent l’activité, les modalités de suivi des risques, celles de débouclage des positions dépassant les limites autorisées de la banque ? Rien, rien, rien. Au moins aurez-vous réussi à vous faire lire ici, en tirant sur l’ambulance. Bravo et félicitations pour ce haut fait. Vous pensez peut-être y avoir gagné, mais à quel prix. Et si c’est le capitalisme et les marchés financiers qui sont dans votre ligne de mire, je pense que vous vous trompez de cible.
Une autre fois, pensez que ce n’est pas si mal, pour une petite banque de réseau nationalisée jusqu’en 87, d’être devenue un leader mondial respecté sur ces métiers. Que les français sont respectés dans le monde entier aussi pour leurs compétences en la matière, à commencer par Londres. Qu’en 20 ans, il n’y a jamais eu aucun problème. Que cela a permis de développer à Paris des métiers de haut niveau et bien payés, ce qui n’est pas mauvais pour un pays. Qu’il a d’autres développements à son crédit, comme la stratégie de développement en Europe de l’Est. Que toute la banque est pilotée de Paris, que ses employés rapportent beaucoup en impôts, sans parler de la SG elle-même qui est un des tous premiers contributeurs à l’IS en France. Que Bouton est le premier défenseur de cette implantation française, alors que tant de confrères se sont délocalisés outre-Manche. Et qu’il est un patron respecté et plutôt considéré comme respectueux en interne, même s’il a de nombreux défauts...
Pour terminer quelques observations :
- seuls les actionnaires ont perdu de l’argent, ni les employés (hors actionnariat), ni les clients ne sont touchés,
- la banque couvre ses pertes toute seule, elle ne recourra pas au soutien de l’état,
- la SG ne paiera certes sans doute pas d’IS, mais doit-on considérer qu’il est obligatoire pour une entreprise de faire des profits tout le temps afin de payer beaucoup d’impôts ?
- si la banque a autant d’actionnaires parmi ses salariés, et parmi eux notablement des traders, c’est sans doute que ses employés considèrent qu’elle est bien gérée,
- le pire qui puisse arriver aujourd’hui serait que la SG soit rachetée, car dans ce cas, il y a de fortes chances qu’elle... ne paye plus jamais d’impôt en France,
- la SG est AUSSI un des premiers acteur du financement des entreprises et des particuliers en France.
En espérant avoir un peu fait évoluer l’opinion d’un contributeur pléthorique d’AV...
cotcodec