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Commentaire de brieuclef

sur Ils n'ont qu'un mot à la bouche : croissance, croissance et croissance...


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Brieuc Le Fèvre brieuclef 7 février 2008 14:42

Black Ader est apparemment un libéral convaincu (il dit bien que ce mode économique réussi dans pratiquement tous les pays riches, non ?). La plupart des démentis qu’il oppose à l’article en cause ici sont d’ailleurs faits plus sur le mode incantatoire ou du déni que sur un mode argumenté.

Le libéralisme, au plus profond de sa structure idéologique, c’est "la somme des vices privés se transforme en bien public" (Mandeville, XVIIIème siècle), à travers l’action de la "main invisible" de Adam Smith (XVIIIème aussi). Ces deux affirmations sont des postulats, qui finissent ces temps-ci par tourner à l’idôlatrie.

Rien ne prouve que ces deux postulats soient vrais : ils ont été posés comme base de départ à la construction d’un système économique, théorisé par "l’économie politique". Rien ne prouve non plus qu’ils soient les seuls postulats pouvant être pris comme base pour la construction d’un système économique (de base différente, donc in fine différent). Rien ne prouve enfin qu’ils soient des postulats absolus, donc ils pourraient devenir des théorèmes dans le cadre d’une théorie économique plus vaste dont le libéralisme serait une variante possible.

Ceci dit, si nous considérons ces deux postulats du point de vue philosophique, poussés qu’ils sont aujourd’hui à leur extrême dans la dimension religieuse, il en ressort une divinisation du Marché par tous les acteurs économiques. Or, quand Dieu exige la Croissance, quand Dieu absout toute déviance en vue de satisfaire le Marché (c’est-à-dire Lui-Même), nous observons le phénomène de fanatisation, qui conduit à la barbarie ; dénué de toute culpabilité, de tout remord, le zélote du Marché trucide allègrement son prochain, symboliquement à travers "le fonctionnement du marché" (cf. Société Générale), mais aussi physiquement à travers la satisfaction immédiate de ses pulsions, comme le veut le Marché (viols collectifs, incendies criminels, pulsion morbides en direction des femmes, des homosexuels, des pauvres, bref, de tout ce qui est plus faible que le criminel en question). C’est là une piste pour comprendre l’évolution de notre civilisation vers la violence gratuite et la surconsommation irréfléchie (pudiquement qualifiée "d’achat impulsif" par les marketers).

Bref, le libéralisme est une forme particulièrement mortifère de l’économie, qui place tout un chacun devant l’obligation de rejeter toute morale (ce pour quoi il est possible de qualifier le capitalisme libéralisé de système a-moral, à ne pas confondre avec immoral).

Mais soyons clair : je ne suis pas pour autant un défenseur acharné des systèmes étatiques dirigistes à la Staline. L’Histoire nous a enseigné ce que leur application pouvait produire d’horreur. Si une sortie existe, elle passera par une redéfinition des postulats de base, et par la construction d’une autre théorie économique. Entre autre, la planète Terre étant un système limité, de dimensions finies, il est impossible d’y faire tenir quoi que ce soit dont la croissance serait continue et infinie. C’est physique, nous ne pouvons pas dépasser cela. En conséquence, un système qui fait de sa propre croissance une condition structurelle de sa pérennité ne peut pas exister durablement sur notre planète. Par suite, il est logique de conclure que le capitalisme, basé sur la croissance, ne peut que rencontrer crise sur crise, à chaque fois que sa croissance lui aura fait atteindre la limite de la planète au niveau de son facteur essentiel de développement ; par exemple, industrie = crise de 29, colonialisme = guerre mondiale, finance = crise boursière actuelle, etc, en faisant toutefois bien attention à considérer ces crises comme multi-factorielles, exprimant une limite de croissance rencontrée par le capitalisme, limite généralement exprimée à travers un choc dans la civilisation : choc du chômage en 29, choc de l’exacerbation des nationalismes en 33-45, choc du "pouvoir d’achat" aujourd’hui, tous ayant, par effet de propagation, des conséquences profondes sur la société, conséquence dont la visibilité immédiate cache souvent la limite de croissance initiale.

Nous avons donc ici un indice pour construire une autre théorie économique : elle devra considérer la croissance non pas comme un besoin structurel, mais comme un indicateur de l’évolution de la production globale de richesse. La croissance pouvant donc être positive ou négative, non pas en fonction d’objectifs pré-établis, mais en conséquence d’une réalité au sein de la civilisation (baisse des ressources, baisse des besoins par augmentation du taux d’équipement, variation démographique, etc). Vous noterez ici que, contrairement à certains que l’on entend ici ou là, je ne divinise pas, par réaction, la décroissance ! En effet, placer la décroissance comme contrainte structurelle serait aussi stupide que de diviniser la croissance !

Je m’excuse de m’être éloigné du sujet, mais j’ai cru important de noter ce qui précède, afin de bien faire comprendre ces deux points essentiels à tous ceux qui, comme Black Ader, sont convaincus que le libéralisme sauvera le monde :

1- Le libéralisme n’est pas un bon système pour donner une civilisation paisible et équitable (la violence y règne absolument, même si pour nos pays, elle est reportée à la marge : tiers-monde, SDF, etc)

2- Le libéralisme ne tient que parce qu’il s’est transformé en religion, qui comme toutes les religions dicte à ses ouailles la "bonne" manière de comprendre le monde. Les arguments avancés par les libéraux à l’encontre des propositions non-libérales se traduisent le plus souvent par des credo issus de l’exégèse de la bible libérale (les oeuvres de Smith et Hayek entre autres), et finissent, en cas de résistance, par un refus définitif de discuter, au prétexte que le contradicteur ne sait pas de quoi il parle et que ses idées sont farfelues.

Si quelqu’un a déjà essayé de discuter du bien fondé des thèses libérales avec un libéral, il saura de quoi je veux parler...


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