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Commentaire de Mango

sur L'école des cadavres


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Mango Mango 15 février 2008 11:34

C’est bien joué de la part de Sarko : ça ne fait pas 48 heures que son dernier caprice a été rendu public , et on assiste déjà à une surenchère dans douleur des victimes présentes ou passées.

Diviser pour mieux régner... C’est son truc, et ça a très bien fonctionné pour les élections présidentielles.

Son électorat populaire s’est cru du bon côté du manche : ni parasite, ni malade imaginaire, ni racaille, si sans papier, ni chômeur, travailleur et volontaire, il allait enfin avoir ce qu’il méritait !

Il ne lui aura pas fallu attendre bien longtemps pour réaliser que leur Président ne roulait pas pour lui mais pour des pointures bien supérieures ! C’est pas grave : au prochaines élections, il votera à gauche... ou retournera au FN.

En attendant, l’autre aura eu le temps de réaliser son rêve de pouvoir et de revanche et de jouer les pompiers pyromanes en se présentant comme l’homme providentiel, seul capable de maîtriser les haines qu’il aura lui -même attisées. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me rappelle quelqu’un ... Son nom m’échappe... Mais si... Outre - Atlantique !

Chez nous, on aura peut-être pas les c... d’aller déclarer la guerre quelque part, mais ça fait rien : la France est suffisamment contrastée , on fera avec !

Tout ça pour dire que si l’on est pas dupe des motivations de notre Président, il n’en reste pas moins que nous devrons gérer un nouveau "car telle est ma volonté" à la prochaine rentrée.

Je vous le dit tout net : je suis contre, mais pas en raison des arguments habituellement développés.

D’abords, je ne crois pas au "traumatisme". Nos petits chéris en voient d’autres devant la TV, la console, l’ordinateur, et parfois, hélas, dans leur vie quotidienne. A ceux qui argueraient que les films, les séries et les jeux vidéo, c’ est "pour de faux", je peux répondre que non seulement c’est très réaliste, qu’il y a aussi des choses réelles (infos, reportages), et que l’enfant ne distingue pas forcément le réel de l’imaginaire.

Il existe aussi un phénomène nommé "résilience", dont on a beaucoup,- et parfois très mal- parlé, qui consiste, en gros, à tirer une énergie positive d’un traumatisme grave.

Devenir adulte, grandir, c’est surmonter , résister et survivre à un nombre impressionnant de petits et grands traumatismes, dont le premier est la naissance.

Je voulais aussi signaler qu’il y a encore 7 ans, je ne sais pas si c’est le cas aujourd’hui, les manuels d’histoires des petits antillais de CM1-CM2 comportaient un encart sur l’esclavage avec gravures et extraits du "code noir" qui avaient de quoi donner des sueurs froides à n’importe quel adulte non averti. Le tout comme un cheveu sur la soupe, en quelques pages glacées au centre de l’édition "Antilles Guyane", sans aucun accompagnement pour le maître.

Je ne crois pas que quelqu’un se soit jamais préoccupé des conséquences de telles informations sur des enfants très jeunes de ce qui est l’histoire de "leurs" ancêtres, d’autant que dans ces classes d’outre-mer se côtoient des enfants dont la couleur de peau va du noir le plus profond au rose le plus pâle, la majorité se déclinant au hasard des métissages. Les premières conclusions que les enfants en tirent, c’est que "plus t’es clair, plus t’es méchant". Je ne vous parle pas des affres par lesquels passent les malheureux issus de mariages mixtes !

Non, le traumatisme n’est pas un argument, ou alors il faut admettre que certains sont plus "traumatisables" que d’autres.

Quant à la question de l’émotionnel et de l’affect, je serais plus mesurée que d’autres concernant son aspect supposé négatif et que l’on oppose à la connaissance et au savoir, nécessairement objectifs, dépassionnés et éclairés.

Certes, pour bien connaître un sujet, il convient d’en étudier conscencieusement tous les aspects , avec sang -froid , honnêteté et méthode.

Mais l’entrée dans un apprentissage, la motivation première, est bien d’ordre affectif ! Un enfant apprend d’abords pour faire plaisir à maman, à papa, à la maîtresse... Et il y a même bon nombre d’adultes qui ne travaillent "bien" qu’avec un patron qu’ils "aiment bien" !

Il me parait difficile d’exiger d’enfants qu’ils aient une motivation intrinsèque, motivation qui suppose une estime de soi en béton et une maturité qui autorise à trouver dans le plaisir du travail accompli en conscience la seule récompense qui vaille, alors que beaucoup d’adultes "construits" en sont incapables.

Non, ce qui me pose question, c’est la façon de susciter cette émotion, car l’émotion pour l’émotion, c’est du mélo, du larmoiement dans les chaumières, du "on est bien peu de chose, ma pauv’ dame, allez", et c’est inutile, stérile, complètement contre-productif ! On nous répète pourtant assez que l’école doit servir à quelque chose...

Garder vivante la mémoire de ces petites victimes, c’est bien , tant il est vrai que "Quiconque oublie son passé est condamné à le revivre" (Primo Levi).

Mais pour ne pas "revivre" ce passé terrifiant, il convient de faire le parallèle avec ce qui se passe aujourd’hui, d’aider les enfants à mettre en relation le passé et le présent, de développer leur esprit civique et un sens raisonné de la justice...

C’est donc das cette optique que j’aborderai la chose si je me retrouve dans une classe de niveau CM2, contrainte de faire adopter un nom et un prénom. Ce ne sera pas difficile : les enfants sont curieux, et il me demanderont "pourquoi ?".

Alors sans doute ne tarderont-ils pas à réaliser seuls qu’il vaut mieux soutenir un camarade (encore) vivant pour que les petits enfants de toutes couleurs et de toutes confessions ne soient pas morts pour rien. Un petit fantôme ne doit pas empêcher de penser aux vivants.

Dans chaque école, chaque quartier, il y a une, deux, plusieurs victimes potentielles, en danger aujourd’hui, maintenant : une fille menacée d’excision, une autre de mariage forcé, un garçon un peu "efféminé" que l’on moque et qui se suicidera bientôt, un gosse matraité, psychiquement ou physiquement, un handicapé qu’on appelle "mongol" et dont les parents d’élèves ne veulent pas à l’école parce qu’ il va "retarder" leurs poulains, un sans-papier que l’on va renvoyer fouiller les tas d’ordures, se prostituer pour de gros rougeauds suants, servir de chair à canon ou de bombe humaine, un petit "pauvre" qui finira en Centre Educatif Fermé parce qu’il en aura marre de se faire traiter de "bouffon" et qu’il volera ce qu’il ne peut pas acheter, un "trop grand", un "trop petit", un "trop beau", un "trop laid", un "trop intelligent", un "dans la lune", un binoclard...

Ah oui ! Il y a de quoi faire avec les vivants...

Cordialement

 


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