Avant de faire un débat, il faut être informer. J’espère ne pas vous troller.
Il y a presque un an, j’ai écouvert un poète, Sayd Bahodine Majrouh. Il croyait en Dieu, il est mort assassiné par la religion. Mais sa parole vie encore dans les chants de l’errance.
Je ne l’avais pas encore publié dans l’oeil de la réalité, je croyais sans doute comme les voyageurs errants de ses poèmes, que la tyrannie religieuse épargnerait mon oasis de laïcité.
(A moins que le temps m’ai juste fait défaut, car question tyrannies les prochaines élections présidentielles et le lobbying industriel me rendent déjà malade...)
Aujourd’hui la nuit est presque tombée, alors j’espère juste qu’il fait encore assez jour pour que vous puissiez lire ce texte.
CHANTS DE L’ERRANCE Ego-Monstre, IV, -1-4.
Cercle premier LE MESSAGE DU SOIR
Quand le vent eut frappé, quand fut détruite la Cité de l’âme, quand la tyrannie eut bousculé jusqu’au dernier des souffles,
le Voyageur fut jeté, ah brindille dans l’ouragan, jusqu’au désert sans route, vers l’exode sans but.
D’autres, nombreux, des familles entières jetées au vide, au rien, à l’égarement, cherchant un lieu, et ne sachant, de l’eau, et ne la trouvant.
Ou bien trouvant un puits et voyant leurs mains vides voyant l’absence de corde et voyant un enfant, d’une pierre insondable, révéler la vérité : que le puits et sec depuis des siècles et qu’ils sont des plantes déracinées.
Ô errants du désert ne vous avais-je pas dit : La tempête va venir Et votre barque est pitoyable et le torrent sera couteau, vertige, tourbillon, des rocs se dresseront, creusant lames et gouffres et vous verrez un Monstre, ensuite, en chaque grain de sable, en chaque goutte d’eau.
Ne vous avas-je pas dit les profondeurs, les déferlantes, les écrasements ? Ne vous avais-je pas dit le naufrage, votre esquif trop gracile, et cet oeil effroyable où roulait une eau trouble ?
Et tant et tant ont péri et tant et tant déjà que le Monstre a broyés !
Ne vous avais-je pas dit : Le vent aura soufflé que vous chercherez encore à retenir vos turbans et vos voiles à retenir le passé hagard et dévasté à retenir au fond de vos regards l’image _
Mais la Cité verdoyante n’est plus. Le vent a brulé brun les pins et les coupoles.
Le vent des tyrannies, le serpent d’épouvante, ne vous avais-je pas dit sa soif en votre sein et qu’il ne viendrait pas de contrées si lointaines ?
Ô errants de l’exil vous le couviez au creux de vous et il a bousculé jusqu’au dernier des souffles !
Barbarie, Harmonie : Le chemin n’est pas droit, ô errants ! Et si jamais de l’une à l’autre on vous dit qu’il est droit, ne le croyez pas, ne le croyez jamais ! Voyez les tourbillons, les remous, les cratères, sans cesse plus barbares que la barbarie même et voyez vos mains vides et défiez-vous des lignes droites !
Eux tous, et le Voyageur, ah brindilles ! jetés à la dérive des temps cloués sur un abîme en eux dans leurs yeux mêmes, hantises héberluées qui allaient hors chemins.
Le vent était venu. La Cité avait cessé d’être. Les familles fuyaient. L’horreur se faisait loi. Le Monstre régnerait.
Ô amis exilés que nous étions-nous dit ?
Cercle deuxième LE MONSTRE SOUS L’EXIL
QUE DIRE A CEUX QUI NE SAVENT PAS ?
Pour les errants, l’acceuil reçu en terre étrangère fut à la fois un soulagement et une épreuve. Quelques-uns d’entre eux, se plaignant amèrement du comportement parfois hostiles des populations locales, vinrent trouver le Voyageur de Minuit pour lui exposer leur inquiètude. Il n’était pas facile, ici, d’être accepté et respecté : que faire, et comment, face à la méfiance des autochtones ?
Après avoir longuement écouté leurs doléances, le Voyageur se laissa convaincre de parler à son tour.
Jetés loin de la terre natale, venus chercher refuge ici, chez des gens ignorant tout du Monstre, vous avez hélas la responsabilité de leur montrer trace vive de l’imparable douleur - ce que des insouciants supportent toujours mal.
Dites-leur :
Voici qu’approche la Grande Dévastation ! Apprenez à la reconnaître : douleur, malheur, enfer ! Elle approche, elle se faufile sous nos pas, elle nous poursuit jusque chez vous et déjà elle vous guette. Ah, de grâce aidez-nous si vous voulez vous aider vous-mêmes !
Dites-leur :
Voici que frappe à votre porte la Grande Dévastation ! Soyez vigilants, ô amis ! Ne permettez pas que quelques-uns, chez vous, concluent un pacte avec le Monstre. Ne permettez pas que l’on vous conduise du sommeil à l’oubli. Ne permettez pas que la porte soit ouverte au fléau.
Dites-leur :
Voici que gronde la tempête au-dessus de vos toits, et voici que le sol va rouler sous vos pieds. Et vous avez bâti de paille et de boue séchée ! Et vous avez fondé foyer sur le lit du torrent qui vient !
Le Voyageur, après une pause :
Mais qui sait comment réagit l’insouciant face à l’annonce du danger ? Empêcheront-ils les lâches, les opportunistes, les traîtres _ et il y en a toujours ! _ de livrer à leur tour leur pays au Monstre ?
Ils vous disent que vous avez fui, abandonné le combat, et que la peur vous a conduit chez eux. Mais eux-mêmes n’ont pas connu l’épreuve de l’envahissement par le Monstre. Ils n’en sont pas à l’heure du combat, avec ses replis, ses avancées, ses deuils et ses victoires.
Dites-leur l’approche de la Grande Dévastation, dites-leur la menace qui pèse sur eux comme elle a brulé sur vous, dites-leur de faire face et que nous sommes des frères, mais ne les choquez pas nine les scandalisez, et dites-vous que, pour vous, l’heure a sonné de rendre coup pour coup au Monstre, et, mille et mille coups d’épingles, de tenter de dévaster sa Dévastation !
LE CAP DU PRINCE
Ici, le Voyageur raconta :
J’ai eu une conversation instructive, il y a peu, avec un grand commandant de l’armée d’ici. Je lui ai demandé de quel oeil il considérait les populations de son pays.
Rien d’alarmant, répondit-il. L’obéissance règne.
Mais les gens aiment-ils cette obéissance ?
_Satisfaction exprimé en paroles et obéissance manifestée en actes suffisent à la tranquilité du Prince. Souhaits et désirs sont bons pour les enfants.
_S’il en est ainsi, demandai-je, qu’elle est donc la visée du Prince ?
Notre grand Prince-Fondateur a bâti sa stratégie sur un principe unique. Il a dit : « Arrachons et brûlons les racines ancestrales, et rassemblons-nous autour d’une seule pensée, celle de la religion. Nous n’aurons de cesse de le faire savoir et entendre jour et nuit, soir et matin, et en tous lieux du pays. Rien ne doit entraver cette voix, cette marche, cette force. S’il advient que soient encore pratiqués d’anciens sentiers, alors nous les raserons, les comblerons, les ferons disparaître des pas et des mémoires. Et par ailleurs, si des voix inconnues prétendent porter des lumières nouvelles à travers la nuit, elles devront être sytématiquement dénoncées, pourchasées, baillonées, effacées. Seule doit régner la voix de l’unique religion ».
Comment assurez-vous la réalisation d’un tel objectif ?
Nous étouffons des voix inconnues dans la nuit. Nous détruisons les sentiers nouveaux comme les racines ancestrales. Nous maintenons le présent pur, le cap du Prince, l’ordre de Dieu.
Ne craignez-vous pas, hasardai-je prudement, qu’à procéder ainsi vous ne serviez en fait les desseins du Monstre qui exila les miens ? Il use de méthodes fort voisines pour servir un principe à peine différent...
A chaque jour suffit sa peine ! me répondit le commandant. Il est plus sage de s’occuper du moment présent, n’est-ce-pas ? Et puis, ajouta-t-il en souriant avec impudence, votre Monstre ne nous fait pas peur !
QUE DIRE A CEUX QUI NE VOIENT PAS
Des soupirs fusèrent du groupe d’exilés rassemblés autour du Voyageur. Celui-ci se tut, pensif. Il reprit à mi-voix, comme se parlant à lui-même :
Ainsi, les dirigeants d’ici sont également aveugle. Ils ne voient ni ne savent deviner où se tient l’ennemi. Pourchassant la voix ancestrale de leur peuple, lui imposant une parole unique, ils assimilent à une tare répréhensible tout ce qui témoigne d’un attachement aux racines ancestrales, et à un délit tout ce qui porte accent d’espérance nouvelle. Ils se condamnent eux-mêmes à une spirale de servitude et de terreur qui introduit l’ennemi jusque dans leur demeures, ne le reconnaissant pas au milieu des convives, qui organise par signes et ordres discrets l’agencement du prochain massacre, du carnage de demain, de l’invasion d’ensuite, sous la houlette du Monstre et de son appétit de Grande Dévastation... Mais que dire à ceux qui ne voient pas ? Que dire à ceux qui font, sans le savoir, l’image inversée du Monstre dans la pupille de la Dévastation ?
Lorsque tous repartirent après avoir salué le Voyageur, celui-ci, congratulant le dernier de ses hôtes, sur un ton à la fois ironique et désabusé, récita lentement un vers de facture classique, précieusement ciselé, lapidaire, laconique, et referma sa porte.
Ô amis exilés que n’aurons-nous pas dit !
Merci à Serge Sautreau pour avoir aidé Sayd Bahodine Majouh à adapter du persan dari les Chants de l’errance. Un article sur le plus grand poète afghan, assassiné à Peshawar le 11 fevrier 1988, par les talibans. http://nasrudin.blog.lemonde.fr/nasrudin/2006/02/clbrer_sayd_bah.html
30/10 19:56 - Briseur d’idoles
L’Islam libérateur de l’homme et des peuples ! L’Islam est libérateur dans (...)
30/10 19:55 -
30/10 19:35 - Harry
09/09 00:53 - Malko
Le dieu monothéiste des juifs, des chrétiens et des musulmans se définit lui-même, non pas (...)
11/03 19:55 -
merci,monsieur le député Chacun est responsable de ses paroles : elles engagent non seulement (...)
11/03 19:25 - Courouve
Un député UMP vient de déposer une proposition de loi visant à interdire les propos et les (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération