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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur Sarkorzy & la mémoire : la nation va-t-elle enfin assumer ses responsabilités ?


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 21 février 2008 22:47

Merci tout d’abord pour ce commentaire polémique mais aussi constructif à sa manière. Il correspond parfaitement à ce que j’attends comme forme d’échange sur agoravox. Ma réponse est la suivante :

1°) Je n’ai pas dit que l’on s’excusait trop pour la shoah. Je ne parle pas d’excuses. Nous y viendrons plus loin. Je parle de mémoire et de responsabilité

2°) Le fait que je suggère que ce qui a été accompli dans le devoir de mémoire de la Shoah est plutôt satisfaisant, grâce en particulier à la responsabilité que le peuple allemand continue d’assumer remarquablement, n’est pas, une base suffisante pour me faire dire qu’on en aurait trop fait. Au contraire, j’y insiste, ce qui a été fait était à faire. Cela a été fait. Tant mieux.

3°) Ce que j’ai tenté de dire, c’est qu’à présent, la situation qui doit être reconnue, comme le fait indirectement Finkelkraut, c’est celle d’une demande d’équité sous le rapport de la mémoire. Equité ne veut pas dire égalité. Je vous demande d’entendre cela.  Klarsfeld qui suggère de partager le gâteau mémoriel ne devrait pas être suspect à vos yeux, n’est-ce pas ? L’Allemagne qui érige à Berlin un monument à la mémoire des homosexuels et des tziganes exterminés par les nazis ne devrait pas l’être davantage, n’est-ce pas ?

4°) Eh bien, je ne fais rien d’autre ! Inviter à considérer qu’il est temps de donner aussi attention, reconnaissance et mémoire aux autres victimes de l’histoire, de notre histoire.

5°) Vous dites en substance que s’excuser, c’est trop facile. Je suis bien d’accord. Nous y reviendrons plus bas. Ce qui est difficile, c’est d’assumer, c’est de reconnaître, c’est donc de dire ou de faire le récit in extenso des violences perpétrées. Sans cela, les excuses sont vaines

6°) D’accord avec l’idée que la notion de péché originel puisse être rapprochée avec celle d’une responsabilité de tous dans la Shoah. Dès que nous sommes serviles et obéissant à une autorité qui nous manipule par des mythologies contrefaites pour nous amener à faire violence, à faire la guerre avec le sentiment d’être dans le vrai et dans la justice, nous nous rendons coupable de participation à la Shoah. Oui, je veux bien voir les choses ainsi, puisqu’il s’agit au fond d’une généralisation de la violence originaire

7°) Vous avez un problème de catégorisation. Vous dites les « autres crimes de masse ». Ce faisant, vous assimilez la Shoah aux « autres crimes de masse ». D’où une identité de statut, au moins sous ce rapport. La Shoah est, parmi les différents crime de masse, un génocide. Nulle part il n’est écrit qu’il n’y a eu qu’un seul génocide. Il y a eu dans l’histoire plusieurs génocides, et la Shoah en fait partie. Maintenant, vous me laissez entendre que la Shoah est un génocide unique en son genre. Très bien. Mais sachez que la différence est triviale au sens des mathématiciens. On la trouve dès qu’on la cherche. Le génocide des amérindiens est lui aussi unique. De la même manière que tous les individus sont uniques. Sauf que, par ailleurs, vous le savez très bien, ils se ressemblent aussi énormément. En conclusion, si vous voulez accorder un statut unique à la Shoah, il vous reste à en démontrer rationnellement la nécessité. Les références autoritaires seront ici vaines.

8°) Le seul moment où je parle d’excuses c’est en référence à celles présentées par le premier ministre australien aux Aborigènes. J’ai négligemment repris ce terme alors que « demander pardon » eût été plus adéquat. La différence est essentielle pourtant et je n’aurais pas dû la manquer. S’ex-cuser veut étymologiquement dire se mettre hors de cause, alors que demander pardon veut dire que l’on se met en cause. Ce dont je parle, c’est de se mettre en cause, non pas seulement pour se battre la coulpe avec volupté, mais pour que l’histoire des faits puisse être racontée d’une manière où chacun se tenant à sa place, tous puisse s’accorder sur le récit et se réconcilier, étant donné que le besoin de reconnaissance de la réalité de la violence subie sera alors satisfait chez les victimes. Les excuses n’ont aucune vertu. La demande de pardon et la reconnaissance de ses méfaits accomplit en effet des miracles sous le rapport de la réconciliation. Les japonais, avec leur ultra-compétences dans l’euphémisation, n’ont jusqu’à présent adressé aux Chinois que des « désolé pour le désagrément ». L’insistance des chinois en découle logiquement.

9°) Au fur et à mesure où les victimes prennent conscience de ce qui leur est dû et que parallèlement elles constatent un refus de leur donner ce dû, le ressentiment ne peut que croître. Votre attitude y contribue. Cela se fait avec vous. Cela se fait malheureusement avec moi puisque je ne peux me désolidariser de la communauté nationale.

10°) Je ne plaisante pas quand je dis qu’il y a quelque chose de christique à (écoutez-moi bien je vous prie) « venir délibérément nous mettre à la place de celui qui est en cause. N’est-ce pas ce que le Christ a accompli ? Il savait ce qu’il attendait. Il savait devoir le faire. Et c’est ce qu’il a fait. Il a assumé les crimes de ses pairs, les humains. Le fait qu’il ait été innocent ne rend que plus impérieuse la voie qu’il nous montre, à nous qui ne sommes pas innocents. Vous souvient-il de ce qu’il a pu dire sur les pharisiens qui disaient en substance « les crimes de nos pères nous ne les aurions pas commis ». Il a bien proféré un « malheur à vous » si je ne m’abuse ?

Etes-vous sûr de ne pas en être ?


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