Article de Libération d’aujourd’hui :
http://www.liberation.fr/actualite/monde/312412.FR.php
Près d’un an après l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, les Allemands commencent à douter que la sauce prendra un jour entre le Président et la chancelière. Deux rencontres de haut niveau ont été annulées par Paris au cours des derniers jours : le sommet franco-allemand du 3 mars vient d’être reporté à juin et un rendez-vous entre la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, et son homologue allemand, Peer Steinbrück, prévu hier, est passé à la trappe.
« Brutalité ». A chaque fois Paris évoque des raisons de calendrier. « On peut se demander si les dirigeants français considèrent les rencontres avec leurs homologues allemands comme facultatives, note le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. En ce qui concerne Peer Steinbrück, tout laisse à penser qu’il est devenu persona non grata à Paris depuis qu’il a osé contredire publiquement Nicolas Sarkozy lors d’un sommet Ecofin. Sarkozy avait demandé à Angela Merkel de désavouer son ministre, ce qu’elle n’avait bien entendu pas fait. Sarkozy, qui traite ses contradicteurs avec une certaine brutalité, n’a sûrement pas oublié l’affaire… »
Certes, chaque nouveau couple franco-allemand a connu des ratés au démarrage, qu’il s’agisse de Chirac et Schröder ou de Mitterrand et Kohl. Mais cette fois, la période de froid dure vraiment longtemps et même les Italiens sont inquiets. « On n’avait jamais vu une telle phase de glaciation entre la France et l’Allemagne », note le quotidien La Repubblica.
Le projet sarkozien d’une Union méditerranéenne est au centre des tensions. Les Allemands redoutent à la fois une scission de l’Europe et une perte d’influence de Berlin. « On a affaire à deux conceptions radicalement différentes de l’intégration européenne, constate Martin Koopmann, chercheur à l’institut DGAP. Pour les Allemands, c’est une question de principe. L’Allemagne, tout comme la Pologne ou le Benelux d’ailleurs, a autant d’intérêts dans la région méditerranéenne que la France. Prenez la question de l’immigration clandestine. Dans une Europe aux frontières intérieures ouvertes, l’Allemagne est bien sûr également concernée par la question de l’immigration en provenance d’Afrique du Nord. Même chose avec l’énergie ou les relations bilatérales avec le Moyen Orient… » Les Allemands, pour relancer la politique européenne en Méditerranée, misent plutôt sur une relance des dispositifs existants, tels que le processus de Barcelone ou la politique européenne de voisinage, plutôt que sur la création d’une nouvelle entité dont ils seraient exclus et au contenu flou.
« Apprentissage ». La personnalité du président français jouerait dans la crise actuelle un rôle de second plan. « Certes, Nicolas Sarkozy doit apprendre qu’on ne traite pas ses partenaires étrangers de la même façon que l’opposition au Parlement, note un conseiller. Mais Angela Merkel sait aller au-delà de ce genre de choses. A Berlin, on veut encore bien croire que le Président se trouve dans une phase d’apprentissage, qu’il saura écouter ses conseillers et qu’il comprendra qu’il doit davantage tenir compte des différences de position… »