Je ne suis pas éthicien, aussi la réponse spontanée qui me vient à l’esprit est qu’il n’y a pas ce que vous appelez une éthique universelle qui se situerait au-delà des croyances. Si elle existait, et que tous les hommes acceptaient de s’y conformer, cela règlerait bien des conflits. Ceci étant dit, la question des caricatures peut être examinée sur le plan des droits universels (ici, la liberté d’opinion et d’expression, mais aussi le droit à la sûreté de la personne) et sur celui de la morale (les comportements et les valeurs d’une société). Il faut savoir qu’il n’y a pas un système de droit international, mais que cela n’empêche pas les tribunaux nationaux de se reférer de plus en plus aux chartes internationales. Ici, le seul droit que les musulmans offensés pourraient invoquer, à ma connaissance, est le droit à la dignité. Je peux me tromper, mais je doute qu’un tribunal leur donne raison.
Du point de vue de la morale, je crois sincèrement qu’il serait dangereux de forcer qui que ce soit à régler sa conduite sur une morale religieuse à laquelle il n’adhère pas. De même, je ne peux pas forcer un croyant à agir contre sa foi. Est-ce que le fait de publier des caricatures dans un journal équivaut à forcer un croyant à agir contre sa foi ? J’en doute. Personne n’est obligé de lire le journal en question qui n’est pas, de son côté, obligé de régler sa conduite sur la morale d’une partie de son lectorat. C’est un choix d’affaire que de s’aliéner ou non ce lectorat. Du reste, la morale est beaucoup plus élastique qu’elle ne l’a déjà été. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge s’il faut se demander, chaque fois, quelle valeur ou croyance ce qui se publiera risque de heurter. Voilà bien pourquoi d’une part il y a des recours possibles devant les tribunaux et d’autre part la tolérance est-elle devenue si essentielle.