Einstein n’appartient à personne. Sur Einstein et Dieu :
" La religiosité cosmique est l’expression la plus haute du sentiment religieux de l’homme, en tant qu’opposée à l’ensemble des normes et doctrines qui constituent, inversement, la religion traditionnelle. Selon Einstein, toutes les doctrines religieuses conventionnelles, telles qu’elles sont incarnées par les diverses églises existantes, sont erronées en tant qu’elles sont dogmatiques et par là opposées à la pensée rationnelle et à la science. Une telle réfutation, toutefois n’équivaut pas ni ne porte à l’athéisme, à moins que par "athée" on ne veuille désigner celui qui ne croit pas en dieu anthropomorphe et agissant dans le monde en tant que sujet supérieur et distinct
Les dogmes traditionnels étant exclus, reste pour Einstein un sentiment religieux plus général et plus profond, commun à tous les hommes, impersonnel mais non opposé à la pensée rationnelle et scientifique et duquel les doctrines traditionnelles elles-mêmes ont peut-être tiré leur origine. Un tel sentiment consiste dans la reconnaissance d’une unité dans le monde ou dans la nature, une sorte "d’harmonie préétablie" leibnizienne qui se révèle en premier lieu dans notre connaissance du monde lui-même.
Précisément, dans la connaissance scientifique, c’est-à-dire dans la connaissance rationnelle des liens de causalité entre les choses, Einstein trouve les fondements tant du refus de la religion conventionnelle que de l’interprétation correcte du sentiment religieux, et conséquemment de l’éthique et de la morale. Pour le scientifique, en effet, les mêmes lois générales causales de la physique gouvernent tous les évènements naturels : de la chute d’une pierre, au lancer d’un projectile et jusqu’à la volonté humaine elle-même. En ce sens, la nécessité physique exclut par principe l’existence d’un être d’un être supérieur, semblable à nous et qui, sur un mode semblable au nôtre peut agir dans la nature et en dehors de ces lois nécessaires. Les religions traditionnelles, basées sur une telle image de l’être suprême sont donc tout simplement dans l’erreur ; un accord entre science et religion est alors impossible et, dans la confrontation, la dernière doit succomber.
D’autre part, dans la connaissance rationnelle elle-même se fonde la religiosité de l’homme : "le savant, lui, [est] convaincu de la loi causalité de tout évènement […] Sa religiosité consiste à s’étonner, à s’extasier devant l’harmonie des lois de la nature dévoilant une intelligence si supérieure que toutes les pensées humaines et toute leur ingéniosité ne peuvent révéler, face à elle, que leur néant dérisoire". Pour lui, au contraire de la religion traditionnelle, la religiosité cosmique est dans un "admirable accord" avec la science et la pensée rationnelle, et de cela il se nourrit :
"Il est certain qu’à la base de tout travail scientifique un peu délicat se trouve la conviction, analogue au sentiment religieux, que le monde est fondé sur la raison et peut être compris. […] Cette conviction liée au sentiment profond de l’existence d’un esprit supérieur qui se manifeste dans le monde l’expérience constitue pour moi l’idée de Dieu ; en langage courant on peut l’appeler "panthéisme" (Spinoza)"
Ceci est peut-être la définition la plus exacte de la position d’Einstein, que lui-même précise en citant le nom de Spinoza. Dans cette vision je crois que doit être lu le célèbre mot d’Einstein, "Dieu ne joue pas aux dès", plusieurs fois réaffirmé, en particulier dans les lettres à son ami et collègue Max Born relativement à l’interprétation non déterministe et relativiste de la mécanique quantique. Le ferme refus de la solution de Born à ces problèmes naît véritablement de l’identification entre le caractère nécessaire des lois causales et la compréhensibilité de la nature, qui, selon Einstein, est niée par l’interprétation théorique de son ami."
http://pagesperso-orange.fr/denis.collin/Einstein-Spinoza.htm