C’est un sujet assez complexe, sur lequel il est difficile d’avoir un avis tranché car plusieurs logiques s’affrontent :
- d’un côté, ne pas boycotter, c’est prendre le risque de cautionner, voire même de promouvoir le régime en place. Souvenons-nous, par exemple, de la Coupe du monde 1978 en Argentine en pleine dictature militaire et qui s’est transformée en triomphe pour ce pays (donc, indirectement, pour le régime) par le biais de la victoire de l’équipe nationale ; l’épreuve s’était d’ailleurs déroulée dans un climat délétère. Pour information, la Chine a lancé dès l’attribution des Jeux en 2001 un immense programme dont l’objectif est de faire gagner à la Chine autant de médailles que possible, y compris dans des disciplines où ils sont historiquement moins performants. Du point de vue de la Chine, ces Jeux ont donc clairement un objectif politique : montrer à la face du monde qu’ils sont les meilleurs.
- de l’autre, le boycott, qu’il soit sportif ou plus généralement économique, n’est pas un moyen efficace de peser sur le pays concerné ; comme vous le rappelez, les boycotts sportifs de 1980 et 1984 n’ont rien changé. Plus généralement, les boycotts de pays comme Cuba, la Corée du Nord ou l’Irak n’ont rien changé politiquement et ont surtout appauvri les populations de ces pays. Dans le cas particulier de la Chine, il y aurait aussi une énorme hypocrisie à boycotter "ses" Jeux alors que c’est un partenaire économique majeur des Etats-Unis et de l’Europe. Le boycott pose aussi la question de la limite que l’on se fixe : par exemple, si l’on boycotte les Jeux de Pékin, pourquoi par exemple accepter que des athlètes cubains puissent participer aux épreuves chez nous ? Il faudrait dans ce cas dresser une liste de pays "acceptables", sportivement parlant. C’est loin d’être satisfaisant et hautement ethnocentrique.
Il faut donc y aller, ne pas boycotter ces Jeux et...battre le maximum d’athlètes chinois !
Enfin, n’oublions pas que le sport est censé porter des valeurs positives et rassembler les peuples (on peut toujours espérer, après tout !) Deux exemples me viennent à l’esprit : la Coupe du monde de rugby 1995 en Afrique du Sud, juste après la fin de l’apartheid, et qui fut une formidable occasion de réconcilier tout le monde dans ce pays ; par ailleurs, toujours en rugby, rappelons que l’équipe d’Irlande rassemble depuis toujours TOUS les irlandais, y compris l’Ulster. Le sport peut aussi, parfois, être synonyme de fraternité.