La presse médicale d’aujourd’hui objective ? :
Idéologie ou information ?
Ces journaux sont offerts par les firmes aux médecins. Elles financent en masse les abonnements. Attractives, bien informées, avec de belles photos, ces publications se présentent comme des organes d’information, avec des articles scientifiques bien rédigés, souvent réalisés en collaboration avec de grands spécialistes hospitaliers. Elles se veulent les défenseurs de la corporation et se targuent de délivrer une information objective et complète. Pourtant, alors que la plupart des sujets médicaux sont traités avec rigueur et professionnalisme, un domaine passe souvent sous silence : les effets indésirables des médicaments. Même le puissant syndicat de médecins généralistes, MG France, a publié un rapport accablant sur les liens unissant l’industrie pharmaceutique et les titres les plus lus par les médecins
« Il s’agit donc bien d’une presse uniquement destinée au conditionnement idéologique des médecins libéraux et en particulier des médecins généralistes. L’ensemble des dispositions réglementaires régissant tant la presse en général que les périodiques destinés aux seuls médecins ou la publicité pour les produits pharmaceutiques remboursés par l’assurance maladie sont violées en toute impunité. Au moins 80 % de la diffusion concerne des médecins non abonnés, la publicité rédactionnelle n’est souvent pas signalée, les mentions légales des firmes pharmaceutiques sont illisibles, le volume publicitaire est très largement supérieur au pourcentage utilisé. De façon assez étrange aucun contrôle n’a été effectué depuis plus de dix ans sur aucun de ces titres et pour aucune anomalie signalée ci-dessus (...). Le problème est suffisamment grave, à un moment où c’est l’existence même de notre régime de Sécurité sociale qui est enjeu. » Le syndicat demande à l’époque la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet.
La seule revue qui échappe à ces accusations s’appelle Prescrire. Elle refuse la publicité des laboratoires et diffuse chaque mois des articles cinglants sur l’efficacité et la sécurité des médicaments.
On pourrait croire les laboratoires satisfaits par tant de relais journalistiques. Même pas. Pour bien enfoncer le clou, ils publient ce qu’on appelle dans le jargon du métier des « publi-rédactionnels ». Il s’agit de pages de publicité qui ressemblent à de véritables articles. Avantage : le laboratoire contrôle de A à Z ce qu’il met dans ces pages et le lecteur médecin a l’impression de lire un véritable article. Même l’Inserm reproduit dans sa revue de presse, diffusée aux instances responsables et aux chercheurs, le publirédactionnel de SmithKline-Beecham comme si c’était un « vrai » article’.
Certaines études sur les risques du vaccin sont même payées par les firmes. L’une d’entre elles, signée des docteurs Zipp et Weil (SKB) et publiée dans Nature médecine en 1999, a été reprise par nombre de journalistes médicaux en France. Elle démontrait, preuves à l’appui, que le vaccin ne provoquait aucune maladie nerveuse. Enfin une bonne nouvelle... À ceci près que les experts de l’Agence du médicament l’ont descendue en flammes
« problèmes méthodologiques, pas de validation de diagnostic, confusion (...), à prendre avec circonspection ».
La tarte à la crème de l’indépendance des experts
Il faut donc apprendre à décoder les informations dès que l’on parle d’« experts ». Quand un journal annonce de façon péremptoire : « Les experts mondiaux sont formels, le vaccin est inoffensif » ou encore : « Tous les experts consultés s’accordent à dire que », il faut savoir de qui on parle et dans quelle mesure ils sont totalement libres.
L’indépendance des experts est un débat récurrent en santé publique, une tarte à la crème. Les affaires de l’amiante, du sang contaminé, des hormones de croissance, du nucléaire ont toutes mis en lumière, à un moment ou à un autre, le verrouillage par les experts. Prenons l’Afssaps, ancienne Agence du médicament, l’organisme chargé de la mise sur le marché des médicaments et du contrôle des effets indésirables. L’Agence fait appel à trois cents experts extérieurs, tous qualifiés par une compétence reconnue : épidémiologistes, toxicologues, virologues... Des spécialistes que l’Agence serait incapable de payer à plein temps. Ils sont donc souvent appointés par... l’industrie pharmaceutique.
Simone Veil, alors ministre des Affaires sociales, avait imposé que tous ces spécialistes déclarent leurs liens financiers avec les laboratoires. Chaque année, le rapport annuel de l’Afssaps publie donc ces déclarations d’intérêt en annexe. Une simple déclaration sur l’honneur. Il n’y a aucun contrôle. Si certains experts n’affichent aucun lien, parfois un ou deux, d’autres étalent sans complexe des intérêts avec une quarantaine de laboratoires. On se demande comment ils font puisque, en théorie, ils n’ont pas le droit de s’occuper de dossiers de laboratoires qui les financent. Cela s’appelle un conflit d’intérêts. La revue médicale Prescrire en fait régulièrement ses choux gras et épingle les champions du partenariat avec les laboratoires : « L’emploi du temps de ces personnalités doit être fort chargé (...) en principe cela implique que ces personnes quittent la salle de réunion quand le débat aborde un dossier les concernant même de façon indirecte. De ce fait, il doit y avoir beaucoup de mouvements dans les couloirs de l’Agence du médicament. Il doit aussi y avoir des réunions en bien petit comité et des présidents de commission qui ne doivent pas pouvoir présider très souvent... »Dans l’affaire du vaccin hépatite B, les experts de la commission de pharmacovigilance, ceux qui ont innocenté le vaccin en décembre 1996, avaient-ils des liens avec les laboratoires fabricants ? J’ai demandé leurs noms à l’Agence. On m’a renvoyé à la liste du, journal officiel. Sachant que tous ces médecins ne siègent pas dans toutes les commissions, il est impossible de savoir qui précisément était présent. En revanche, parmi les experts de la liste générale, quatre d’entre eux avaient des liens déclarés avec les deux fabricants du vaccin.
En France, le business du médicament se porte à merveille. En dix ans, il est passé de 45 à 100 milliards de francs.
www.revahb.org/doc/prive/scan5.html