Je vais sans doute me faire sévèrement remettre à ma place, mais très honnêtement, et très sincèrement, et très laïquement, je considère que mon corps ne m’appartient pas.
Pourquoi ?
Parce que nourrisson je dépends de ma mère. Et c’est ça qui me construit, et qui construit ma mère.
Parce qu’enfant, je dois "faire avec", m’accomoder du fait d’être "trop grand", "trop petit", "trop gros", "trop maigre", "trop noir", "trop blanc", et accessoirement, laid, beau, bigleux, handicapé, pauvre, riche... Et c’est ça qui me construit, et qui construit mes camarades.
Parce qu’ado je me transforme et je dois imposer aux autres ce que je deviens : un homme ou une femme qui sera reconnu(e) en fonction de la force, des talents, des objectifs que j’investis... Je me construis moi-même et je commence à construire la société qui sera bientôt dépendante de "MOI".
Parce qu’adulte en bonne santé, je suis responsable de tout et de tous, je n’ai droit à aucune faiblesse, je me construis et je construis les générations futures à force de volonté, de travail et d’exemplarité.
Parce que vieillisant, bavant, pissant, chiant sur moi, défiguré, souffrant, délirant, je n’ai aucune raison d’en avoir honte, ayant franchi victorieusement toutes les autres étapes, ma souffrance, mon délire, ma "déchéance" ne sont qu’ humains... Et construisent l’humanité.
De quel droit réclamons nous une mort "digne" ?
La mort n’est pas "digne" !
La mort est crade, dégradante, plus ou moins douloureuse, et ramène à ce que nous sommes : faillibles, matériels, biodégradables...
En celà, elle instruit les générations futures en leur transmettant l’urgence de l’action tant qu’il en est temps.
La mort douce, quand on veut, comme on veut... Non, trop facile... Et ça n’apprend rien à ceux qui suivent, à part : "Quand c’est trop dur, prends un truc".
Et après, on parle de "toxicomanie"...
Moi, je veux crever salement, devant tout le monde et les miens, ou toute seule, à la maison ou à l’hosto, rien à faire pourvu que ça leur foute un choc, un coup de pied au cul pour se bouger ici et maintenant, en souvenir de ce que j’ai fait et de ce ce que j’ai été.
Quelle prétention que de vouloir une mort "digne" !