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Commentaire de armand

sur Charlton Heston c'était aussi Soleil vert !


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armand armand 7 avril 2008 21:03

 

 
 
 Dans la carrière de Charlton Heston, on cite le plus souvent Ben Hur et les Dix Commandements, puis on passe à ses exploits à la tête de la NRA, après une embardée du côté de la Planète des Singes et de Soleil Vert. C’est beaucoup mais ce n’est pas tout. Acteur spécialisé dans les rôles qui comportent souvent montée, apogée, puis chute glorieuse et incarnation dans la légende, Charlton Heston est notamment le héros de trois films similaires qui recouvrent trois époques radicalement différentes :
Dans Le Cid (1961), défenseur de l’Espagne de l’An Mil contre les Maures fanatisés, il meurt d’une blessure en pleine poitrine ; son corps, attaché à son cheval, insuffle un nouveau courage à ses guerriers et disperse l’ennemi quand on le fait galoper sur la plage au devant de ses troupes. Cela fait songer au passage de Tête d’Or de Claudel :
 
 Dépecez-moi et fixez mes quartiers aux portes des villes.
 Qu’ils fassent honte aux lâches et douent les enfants au ventre de leur mère d’une âme féroce.
 
Il incarne aussi le général Gordon, qui dans Khartoum (1966).se sacrifie pour la population de la ville du même nom, assiégé par les hordes du Mahdi. Là aussi, c’est une lance en pleine poitrine qui l’atteint en pleine poitrine.
Finalement, dans The Omega Man (1971), qui se déroule dans un proche avenir, après une catastrophe atomique, il est le dernier homme sain, épargné par la radioactivité. Il sera tué par des mutants dont il assure pourtant la guérison grâce à son propre sang "pur", recueilli par ses "disciples" et utilisé comme sérum. Est-ce un avatar, là aussi, du Roi du Sacrifice qui finit, comme le Cid ou Gordon, avec une lance plantée dans sa large poitrine. Mais la symbolique est encore plus précise. Ce sang pur recueilli est le Graal qui redonnera vie aux hommes souillés par l’atome ; cet homme qui répare l’inconscience criminelle, la "folie" des savants, était lui-même savant. Il tombe, les bras en croix : là aussi j’ai songé à un passage de Claudel :
 
Je meurs. Qui racontera
 Que mourant, les bras écartés, j’ai tenu le soleil
 sur ma poitrine comme une roue ? 
 
Dans ces films l’actualité, voire la nécessité de ce type de personnage est explicite, comme pour réagir contre le néant héroïque du monde moderne. Le narrateur de Khartoum exprime cette pensée à la fin du film : un monde où il n’y aurait pas de place pour un homme comme Gordon, est un monde qui retournera aux sables du désert.
Cependant, deux des films les plus intéressants ne figurent pas parmi les plus connus.
Major Dundee, de Sam Peckinpah (1965), est un chef d’oeuvre contrarié, un remake en fait de Rio Grande, de John Ford, où John Wayne poursuit un groupe d’Apaches de l’autre côté de la frontière. Mais cette fois on s’interroge sur l’obstination de Dundee, sur son mépris de la légalité en violant la frontière du Mexique, à l’image du tout début de l’engagement vietnamien. En effet, il perd la plupart de ses hommes, se comporte en tyran, fait exécuter un déserteur, et, pour couronner le tout, au lieu de monter la garde ramasse une flèche dans la cuisse lorsqu’il folâtre avec Senta Berger (on le comprend...) sous une cascade, se saoule la gueule ("Major, tu es saoul ! - Ouais, j’suis saoûl, et dans quelques heures je serai encore plus saoul" - cet échange m’avait ravi quand j’étais môme-je me disais que c’était comme ça que réagissaient les vrais mecs quand ils avaient des problèmes de nana...) Et le véritable héros du sacrifice est le capitaine sudiste, joué par Richard Harris, qui se fait tuer pour protéger la retraite des survivants...
La même année, le Seigneur de la Guerre (1965)- qui était le film préféré, paraît-il de Heston - se passe sur la côte de la mer du Nord en l’an Mil. Un châtelain normand va provoquer un conflit avec les paysans locaux quand il tombe amoureux de la jeune fille avec laquelle il s’acquitte de la jus primae noctis (droit de cuissage). On aura le droit de l’apercevoir, vêtu d’un pagne et armé d’une torche, repousser tout seul une attaque de Frisons sur un pont-levis. Mais salement blessé par le fiancé de la fille, il ira avec elle implorer le pardon au Duc de Normandie sans savoir s’il y parviendra vivant.
Là aussi, de succulents dialogues, comme quand il surprend la jeune fille se baignant nue et que celle-ci lui demande s’il va continuer de la mater quand elle sortira de l’eau : "Bien sûr", répond-il, sans la quitter des yeux, goguenard. Ou bien quand on demande à la fille de le retenir symboliquement pendant qu’on l’opère d’une blessure : il n’osera pas crier sa douleur ou s’agiter en présence d’une fille, pour ne pas perdre la face, affirme le sergent d’armes.
De plus, ce film magnifique est une reconstitution historique remarquablement fidèle pour son époque. 
 
En somme, des rôles où mieux que tout autre acteur il incarne un héros archétypal, solaire, voué au sacrifice et propre à toutes les civilisations, mais dont l’image et les certitudes se fissurent à mesure que l’Amérique s’enfonce dans les Sixties.

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