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Commentaire de Zawgyi

sur Bienvenue chez nous


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Zawgyi 10 avril 2008 10:35

Faut-il s’étonner qu’une grande part de comédie prend sa source dans la caricature. Il suffit pour cela de relire quelques bons classiques de la comedia del’arte pour s’en rendre compte. Molière ne se privait pas lui-même de faire des raccourcis, de grossir le trait, voir de donner dans la farce et le comique de geste pour amuser son public. Ses oeuvres sont pourtant aujourd’hui considérées comme des classiques, car elles parviennent malgré tout à nous donner des informations sur les mouvements de pensée, les tendances de l’époque. Quant bien même ce serait des images d’Epinal un peu grossières. Il est vrai que "Bienvenue chez les Chtis" ne dresse pas une analyse fine de la société française d’aujourd’hui. Faut-il pour autant le lui reprocher quand ce film n’a jamais eu la prétention de le faire.

Qui n’a pas ri en regardant la Grande Vadrouille. La relation entre le peintre Bourvil et le chef d’orchestre De Funes n’est-elle pas tout aussi idéaliste que l’amitié entre le chef d’agence et le facteur. Faut-il maintenant grincer des dent en reprochant à ce film de ridiculiser l’un des épisodes les plus sanglants de notre histoire, de montrer les Nazis comme des benets affublés de strabisme, incapables d’arrêter une bande de charlots dans une France occupée ?

Je trouve toujours étonnant qu’en France, il faille absolument se méfier de ce qui a du succès. Comme si toute réussite était quelque part immorale, malhonnète, inacceptable. Un syndrome de Faust ? Faut-il absolument avoir passé un pacte avec le Diable pour réussir. Ce film aurait-il été meilleur si simplement quelques centaines de spectateurs étaient allés le voir ? Certains de ceux qui critiquent son succés n’auraient sans doute pas manqué alors de critiquer le snobisme ou au contraire le manque de clairvoyance artistique de tous ceux qui serait passé à côté de ce petit film sympathique et sans prétention.

Faut-il absolument que nous soyons toujours Français au point de ne pouvoir exister que par la critique et par la condamnation de ces foules de moutons, résolus à abandonner leur libre arbitre au point d’aller voir tous ensemble le même film. Après tout, se retrouver en groupe pour partager une expérience agréable, ne serait-ce pas du populisme, voire du fascisme ? Le phénomène de foule n’est-il acceptable que dans le combat politique, que pour l’opposition et non pour l’approbation ? Finalement, tout doit-il être politique ? J’espère que ceux qui critiquent ces moutons de panurge auront le courage de ne pas retourner travailler demain, de ne pas prendre de plaisir à manger, de ne pas dormir tous les soirs : "car si tout le monde le fait, c’est que c’est forcément mauvais", et ces homo superior valent bien mieux que le commun des homo sapiens.

Ces esprits de critique citent très souvent avec nostalgie l’esprit des Lumières, cette bonne vieille époque où une poignée de philosophe a sorti la plèbe de son ignorance et de sa torpeur, se donnant des airs de Voltaire en combattant l’infame caricaturale qu’est ce film et tout ce qui est populaire. Pourtant, ces philosophes n’ont-ils pas défini la nation, la démocratie comme un "vouloir-vivre ensemble" ou un "contrat social" ? Finalement, qu’y a-t-il de plus démocratique que pour tout un peuple de partager un bon moment autour d’une oeuvre véhiculant des valeurs communes et positives, caricaturales bien-sûr, dans lesquelles tous se retrouvent ? Et ces despotes éclairés, ces oligarques de nous faire croire qu’ils peuvent décider pour les autres de ce qui est beau, de ce qui est bien...

Il est dommage que certains ne trouvent leur raison d’exister que dans l’affrontement et dans l’opposition. Les gardes-fous sont bien entendu nécessaires, en politique comme partout. A condition toutefois de fonder son opposition sur des arguments raisonnés. Le fait qu’une majorité de la population aille voir un film n’est pas un argument en soi. Il s’agit simplement d’individualisme épidermique, typique d’une époque où le lien social se désagrège. Critiquer une comédie en lui reprochant de faire dans la caricature est une abérration. C’est oublier nos bonnes vieilles règles du théâtre classique, c’est rejeter en bloc toute une partie de notre histoire littéraire, politique et journalistique. Critiquer les spectateurs qui sont allés voir un film pour se détendre, pour passer un bon moment en famille ou entre amis, et non dans un état d’esprit de critique artistique ou politique, c’est oublier que l’art comme le sport peuvent aussi avoir pour fonction de divertir et pas seulement celle de transmettre des messages politiques.

Enfin, je remarque que beaucoup des personnes les plus virulentes sur ce forum (comment se fait-il que nous en arrivions souvent aux insultes sur un site comme celui-ci, sans parvenir à discuter et à argumenter en adultes ? C’est incroyable !) se sont souvent abstenues d’aller voir le film ou y sont allées pour justifier leur a priori. "Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage". Comme souvent, il est très facile de piocher dans une oeuvre ou un discours les éléments qui permettent d’étayer une thèse que l’on veut prouver absolument. Il n’est d’ailleurs pas toujours nécessaire d’aller jusqu’au second degré, il suffit de sortir quelques références de leur contexte. Ainsi, il est vrai que certains passages du film sont caricaturaux à l’extrême (encore une fois, c’est une comédie qui ne prétend pas faire appel au deuxième sens) et font la promotion d’une certaine niaiserie dans les messages qu’ils font passer. Certes, on peut également se placer de l’autre côté de la balance et chercher absolument à défendre ce film en extrayant les symboles plus bénéfiques : un jeune actif qui s’occupe de sa mère, un groupe de personne appréciant les joies les plus simples sans donner dans le matérialisme, un homme plein d’a priori qui accepte qu’il a pu se tromper, et bla bla bla.

Finalement, on en arrive à cette conclusion : toute chose peut avoir du sens, même la plus insignifiante, si l’on cherche vraiment la petite bête. Et le sens que l’on peut donner à cette chose diffère d’une personne à l’autre, malgré l’interprétation commune que l’on peut en donner du fait de valeurs culturelles communes. Mais, doit-on vraiment chercher à donner un sens à toute chose, ou ne devrait-on pas simplement parfois se contenter d’apprécier un divertissement sans le décortiquer, sans en extraire un message invisible auquel les émetteurs n’avaient pas eux-mêmes pensé. L’équipe n’a jamais prétendu faire autrechose qu’une comédie sans-arrière pensée. Pour une fois croyons-la et sachons apprécier une oeuvre telle qu’elle a été conçue, ni plus ni moins.


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