L’auteur doit sans doute être âgé de moins de 15 ans et être né dans les années ’90, pour en arriver à dire que le phénomène de "beaufisation" (a inscrire dès que possible dans la prochaine édition du Robert) est un phénomène récent. Les quelques exemples pris pour illustrer son propos ne sont que les irruptions les plus récentes d’un phénomène bien ancien... n’en déplaisent aux millénaristes et autres adeptes du fameux adage nostalgique : "ah mon brave Monsieur, les temps ont bien changé. C’était mieux avant !". On connaît bien cette tendance puisque depuis Platon, l’évolution de notre civilisation n’est présentée que comme une longue décadence depuis la disparition du monde parfait des idées. L’Eden, le Shangri-La... ces mythes ne sont pas nouveaux et l’on a toujours fait appel à un passé glorieux pour s’attaquer aux turpitudes du présent. L’auteur nous ressort ainsi une vieille recette sous l’étiquette "cuisine nouvelle".
J’en veux pour preuve de nombreux exemples qui démontreront que "oui les Français sont beaufs, mais ne vous inquiétez pas, ils l’ont toujours été" :
- TV : interville, tournez manège... et autres excellents programmes qui ne dates pas d’hier.
- Cinéma : les bronzés, viens chez mois j’habite chez une copine, la femme de mon copain, marche à l’ombre, les sous-doués, qui présentent tous en leur temps les meilleurs penchants de la culture française.
- Ouvrages : San Antonio, SAS, Bob Morane et d’autres, qui présentent tous une image du monde faite de clichés, d’ethnocentrisme et qui soignent les instincts les plus primaires de nos concitoyens.
- Musique : on aura beau dire ce que l’on veut, mais les années ’80 sont à jeter. Pour le débat présent, je garderais les exemples de Lio, de Elmert Foot Beat et tous ces autres groupes que je ne saurais nommer et qui défendaient une vision machiste et sexiste de la société, et que l’on pouvait écouter à loisir grâce à tous ces beaufs qui tunaient déjà leurs voitures... Et oui, ils n’ont pas attendu la Leon pour cela.
Bref, il ne faut pas s’étonner que les médias en général ciblent le commun des mortels : le but n’étant pas d’éduquer la société, mais de faire du profit. Et ça marche. Et de tous temps en a été ainsi, puisque les plaisirs du peuple ont toujours été décriés par ceux qui se voulaient membres de l’élite. Toutefois, avant de monter sur ses grands chevaux et de faire preuve de la même mesquinerie, de la même étroitesse d’esprit dont font preuve les soi-disant intellectuels qui se croient toujours au-dessus de la plèbe, rappelons que la culture populaire a également été la source de très belles oeuvres : les romanciers de la fin du 19e s’en sont inspiré (Balzac, Zola, Maupassant), Renoir en a fait des films considérés aujourd’hui comme des classiques, et que dire des photos de Doisneau...
Finalement, il y a toujours un beauf en nous, qui rit en regardant certaines comédies comme les Bronzés ou les Chti’s, qui ne crâche pas sur un peu de gastronomie locale de temps en temps, qui aime lire son journal à la terrasse d’un café, etc... Ceux qui oseraient nier cela ne seraient que des hypocrites essayant de pêter plus haut que leur cul. Mais c’est typique des français ça, non ? Si c’est populaire, alors c’est qu’il y a quelque chose qui clôche : car il est bien connu que rien ne vaut un bon film suédois ou français pendant lequel il ne se passe rien pendant deux heures, où les acteurs sont déplorables... Mais c’est de l’art n’est-ce pas ?
Enfin, avant de nous moquer de tous ces beaufs, souvenons-nous que tout est une question d’éducation et de milieu social. Eh oui, tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents riches ou intellos, ou de partir en vacances à l’étranger pour s’ouvrir l’esprit, ou de faire de longues études, etc. Et pourtant il existe même des beaufs parmi ceux qui ont eu cette chance, alors... Comment ne pas excuser les autres ?
Pour finir, je dirais que comme toujours, chacun pense avoir suffisamment d’intelligence pour que celle-ci soit infaillible. Mais, j’aurais envie de dire de regarder d’abord la poutre qu’il y a dans son oeil... Avant de critiquer la société dans son ensemble, exercice facile, n’imposant guère d’effort et très apprécié des Français, souvenons-nous que nous sommes tous une partie de cette société. Elle nous influence mais nous l’influençons également. Alors, messieurs les critiques, soyez constructifs : "ne vous demandez pas ce que votre pays de beauf peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour lui".