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Commentaire de Nevenoe

sur Le drapeau breton sur un timbre poste


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Nevenoe 2 mai 2008 18:32

Masuyer,

mon objectif était de vous faire retrouver un sens de la nuance qui semblait absent de vos messages précédents qui paraissaient envoyés du haut d’un piédestal duquel vous jugiez avec la prétention de celui qui sait tout et qui a tout compris l’ensemble du mouvement breton.

- Concernant la littérature bretonne, vous êtes passé du concept de « pseudo-littérature » à celui de « tout n’est pas à jeter pour autant ». C’est un progrès ! J’aurais d’ailleurs été intéressé d’avoir le titre d’une œuvre en breton que vous classeriez sous cette rubrique de « pseudo-littérature », et par contraste une œuvre d’un auteur français connu qui ne fasse pas partie de cette catégorie (à moins que cette catégorie ne soit applicable qu’à la « littérature » en langue bretonne !) « Marh al lorh » fait-il aussi partie de la pseudo-littérature ?

- « Le problème, c’est que ceux qui s’en sont fait les théoriciens, notamment lors du mouvement « Gwalarn » étaient terriblement « francisés ». » »

Prenons un auteur de « Gwalarn », Jakez Riou, Abeozen, ou un autre de votre choix, et expliquez-moi en quoi ils sont « terriblement francisés », avec des exemples à l’appui, pour que je comprenne.

- « Rappelons quand même qu’il a fallu attendre Favereau dans les années 1990 pour avoir en Bretagne une grammaire grand public qui ne soit pas normative mais analytique. Que ce travail a d’ailleurs été fustigé, comme d’ailleurs son dictionnaire pour utilisation des 3 orthographes et des emprunts français. »

S’il s’agit de la « Grammaire du breton contemporain », parler de grammaire « grand public » est plutôt abusif. Je l’ai suffisamment travaillé pour savoir que c’est une grammaire « prise de tête » à décourager le débutant le plus motivé. Elle n’est utilisable qu’arrivé à un certain niveau. Les grammaires du français que j’ai eu l’occasion de consulter étaient toutes normatives (Le bon usage : il faut dire ça, il ne faut pas dire ça.) et s’appuyant pratiquement sur la littérature. La grammaire de Kervella « Yezhadur bras ar brezhoneg » est en grande partie normative, ça n’en fait pas moins une forme de « chef-d’œuvre » et la meilleure grammaire du breton. Une grammaire analytique n’a d’intérêt que pour les spécialistes et pour un dialecte ou une région donnée, et ça il en existait avant Favereau, même si on peut toujours regretter qu’il n’y en ai pas assez. Même Per Denez, le pire « ennemi » de Françoise Morvan, a écrit un « Geriadur brezhoneg Douarnenez » (1980-1985), cité par Favereau. Pour quelqu’un qui est sensé ne pas s’intéresser aux dialectes, c’est étonnant. Pour ce qui est des dictionnaires de Favereau, ils manquent cruellement d’exemples. Le seul qui en ai un peu, c’est le plus gros, mais des exemples non traduits, dans un dictionnaire bilingue !

- « D’ailleurs ce refus des emprunts français confine à l’absurde et à des contresens car souvent ils n’ont pas la même valeur sémantique en breton qu’en français. » Ce serait bien de donner des exemples. Les questions de vocabulaire et d’emprunts se pose dans toutes les langues, et dans toutes les langues on peut trouver des « puristes ». Proposer « courriel » quand tout le monde emploi « email », c’est surement absurde ! Pour revenir à Roparz Hemon, qui est sensé être la figure de prou du purisme, on trouve à la première page de « An tri boulomig kalon aour », : beg an tour, kartoñs, prenest, kambr. Pour un puriste, c’est plutôt négligeant. Le breton a emprunté au latin, à l’ancien français, et ces mots font partie du breton. Parler de langue « lexicalement pure » est un nom sens, parce que ça n’existe pas et ça ne peut pas exister. Qu’on emprunte par ailleurs des mots du gallois, qui est à l’origine la même langue que le breton, je ne vois pas le problème, sinon a poser que le breton n’a le « droit » d’emprunter qu’au français. Au nom de quoi ?

- Maintenant, je vais vous poser une question, en vous assurant que pour ma part je n’ai toujours pas tranché. Quel est l’intérêt d’une langue bretonne lexicalement « pure » mais qui serait syntaxiquement un calque du français ?

Quel est l’intérêt de jouer à la pétanque ? Quel est l’intérêt de dire « courriel » plutôt que « email » ? Personne ne souhaite un langue bretonne qui soit un calque du français, mais toutes les langues minoritaires doivent faire avec la forte influence de la langue majoritaire qui la jouxte, et y résister du mieux qu’elle peuvent. Ce n’est pas propre au breton.

- « Pour le terme nationaliste, je le revendique pleinement, sans y mettre de connotation péjorative. » Sauf que vous ne vous adressez pas aux anges et que vous savez la connotation qu’a ce terme dans le champ médiatique français. Qualifiez quelque chose de « nationaliste », c’est le disqualifier. Les Français, eux, ne sont pas « nationalistes », ils sont « républicains », c’est bien connu !

- Le « génocide culturel français » Le terme « génocide culturel » est évidemment sujet à polémiques. C’est le terme utilisé, soit dit en passant, par le Dalaï-Lama, à propos du Tibet. Je doute que ça fasse plaisir au gouvernement chinois, ni aux Chinois dans leur ensemble.

N’empêche, l’abbé Grégoire a bien existé. Et je lis dans Wikipedia, article « Henri Grégoire » : « En, 1794 l’abbé Grégoire présente à la Convention son « Rapport sur la Nécessité et les Moyens d’anéantir les Patois et d’universaliser l’Usage de la Langue française », dit Rapport Grégoire, dans lequel il écrit : « … on peut uniformer le langage d’une grande nation … Cette entreprise qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté. » Et c’est cette politique qui a plus ou moins ouvertement été appliquée par l’Etat français depuis cette époque. Il suffit de lire le compte-rendu de l’assemblée nationale quand, en 2005, quelques députés demandaient déjà le changement de l’article 2 pour ajouter « dans le respect des langues régionales ». Cette politique correspond ni plus ni moins aux articles 1 et 2 de la Constitution française actuelle. Le français n’est pas où il est par hasard, ni parce qu’il serait une langue supérieure. Il est où il est par volonté politique. Si les rois de France avaient parlé occitan ou picard, la langue de la république serait l’occitan ou le picard ! Le terme « nettoyage linguistique » conviendrait peut-être mieux !? Si les bretonnants ne trouvaient pas de postes dans l’administration ou dans l’enseignement en 1900, en tant que bretonnants, c’est la faute à qui ? S’il y avait eu au XIX siècle une autorité politique en Bretagne qui ait considéré que la langue bretonne faisait aussi partie de la culture bretonne, et qu’en tant que telle, elle devait être une langue de l’enseignement, au même titre que le français, on en serait pas là. Il aura fallu attendre 2004 pour voir un début à cela ! L’histoire des langues est largement dépendante de qui a le pouvoir et quelle politique linguistique il a.

Comme l’Etat français en est encore à penser que la colonisation a été quelque chose de positif, on n’est pas encore sorti de l’auberge. Il y a quelques mois, j’ai entendu un intellectuel médiatique dire que « La république avait assimilé les Bretons, les Italiens, et les Espagnol » ! Avec un peu de chance, elle aurait aussi assimilé les Algériens, les Sénégalais, les Cambodgiens, etc.

- « Je ne pense pas que ce soit désepéré, mais à force de refuser de se poser certaines questions fondamentales on finit par rendre la situation réellement inéluctable. »

Se poser des questions fondamentales est évidemment une nécessité. Je ne suis pas certain que personne ne se les pose. Mais un certain nombre de solutions sont du ressort des « politiques » qui, soit non jamais fait leur travail sur ce plan, bien au contraire, soit l’on fait avec retard et timidité.

Cordialement


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