Votre position n’est admissible que si vous limitez la violence à la seule violence physique, en oubliant que celle-ci est d’abord morale : que rien n’est pire en ce sens pour les individus qui en font partie que l’humiliation et le mépris généralisé affiché contre un groupe d’homme sans discernement. cela s’appelle l’incitation à la haine religieuse ou raciale et est punissable en droit français ; mais on peut trouver des équivalents en droits anglo-saxon : le Ku-Klux-Klan est interdit aux USA ; l’interdiction du blasphème (il est vrai anti-chrétien...) est inscrit dans le droit anglais etc..
Un journal relève du domaine de l’échange public et non de l’échange privé et donc est justiciable d’une procédure en droit sous le motif de trouble à l’ordre public, lequel n’est pas incompatible avec les libertés individuelles dès lors que toute violence même verbale ou graphique peut les mettre en danger. La violence morale est toujours la source des violences physiques les plus extrêmes (insultes, racisme...) et elle n’a rien à voir avec une critique soucieuse de respecter l’adversaire. On peut critiquer l’Islam à condition de ne pas interpréter ses dogmes fondamentaux dans un sens très réducteur, voire en l’occurrence fallacieux, unilatéralement négatif. Or traiter dans une caricature tout musulman en terroriste à travers le symbole même de sa religion c’est infliger à tout musulman une blessure morale injustifiable.
La caricature du prophète en terroriste est de (argument politique)plus la meilleure manière de provoquer ce que l’on prétend éviter : la solidarité violente de tous les musulmans avec les plus violents et les plus anti-démocratiques d’entre eux qui, du reste les évènements le démontrent, en profitent aujourd’hui sans vergogne. Quand ce n’est pas, en miroir, les islamophobes d’extrême droite. Sur le plan démocratique et juridique aucun droit n’est absolu car tout droit libéral a une double fonction :: assurer les libertés fondamentales (dont la liberté d’expression) et la sécurité physique et morale des personnes ; c’est pourquoi le racisme et la diffamation sont interdites au nom de la liberté qui ne peut aller sans respect des convictions intimes, même les plus critiquables ; la critique en effet n’est pas l’insulte mais l’argumentation qui appelle au dialogue . Or ces caricatures sont diffamantes pour tout musulman quel que soit ses actes et pensées personnelles.
La démocratie ne peut tolérer la violence même verbale (ou graphique) et l’insulte dans le débat politique sans se mettre en danger et faire le jeu de ses pires ennemis. En ce sens, tout idée ou expression n’est pas tolérable et l’expression manifeste et haineuse de l’intolérance doit être combattue, à commencer par la nôtre, à plus forte raison lorsque l’on prétend donner des leçons de démocratie à des populations qui ne vivent pas dans ses conditions. Tous les abus de la liberté ne sont pas bons et ce n’est pas en attisant la haine que l’on fera reculer l’intolérance. Il n’ y a pas plus de liberté absolue dans le domaine de la presse que dans le domaine de la circulation routière ; l’interdiction de rouler à 200 à l’heure sur les routes est une condition de la liberté relative de tous.
Enfin je ne comprends pas votre argument qui consiste à dire que les juges seuls ont le droit de juger et d’avoir une opinion sur la question des abus de la liberté d’expression, comme si les juges avait la vérité révélée et que les citoyens n’avaient pas en s’en mêler. Curieuse de vision de la démocratie ! Ce qui ne vous empêche pas du reste de prendre position. Serait-ce que selon vous seule votre position est politiquement correcte et que seuls les juges ont le droit éventuel d’en exprimer une autre ?