Par ailleurs, Renève, vous soulevez une piste qui est bien plus intéressante que les propos de Leon sur les nouveaux convertis (on l’imagine vagissant le Capital dès la naissance...).
Sur la phrase de Lacordaire, on voit aisément qu’elle s’applique à merveille aux rapports entre l’individu et l’Etat. Les conditions de la liberté ne sont pas si nombreuses que l’on n’en puisse faire le tour. Posséder le résultat de son travail, c’est à dire la propriété. Ne pas subir la coercition, c’est à dire la Loi, ce qui est le rôle de l’Etat. Mais lui-même peut devenir auteur de coercition (et, de fait, il l’est très souvent), et doit donc être surveillé avec attention). C’est le propos de Montesquieu et de la séparation des pouvoirs.
Mais le point le plus intéresant est la question des rapports de force à l’oeuvre dans la société. Les marxistes pensent que la Loi est l’expression des rapports de force. Si c’était le cas, je vous verrais mal citer Lacordaire, car sa phrase n’aurait alors aucun sens, car la Loi ne serait que l’expression du plus fort, et on voit mal comment ce gene de loi pourrait protéger le faible. C’est donc que vous faîtes votre la conception libérale de la Loi. Cependant, à creuser, cette conception n’est pas sans poser quelques problèmes. Rawls s’est attaqué à cette question dans « Théorie de la justice », mais pas vraiment de manière pleinement convaincante. Pour ce faire, il a imaginé de recouvrir d’un voile d’ignorance quelques individus et de les faire définir la Loi. Cette question du voile d’ignorance (sur qui ils sont, etc...) est assez artificielle et peine à convaincre.
C’est donc là un noeud crucial, d’intégrer la questions des rapports de force, ou plutôt, la question du fond anthropologique dans la définition de la Loi. La vue marxiste de la question est bien sur insatifaisante, et la vue libérale n’est pas achevée.