Elysion
Ce n’est pas parce qu’on fabrique des avions, que tout le monde doit être capable d’en fabriquer. Et si je lis une traduction d’un auteur grec ou latin, je préfère que cela soit fait par un bon traducteur plutôt que par un ingénieur en aéronautique.
Il est inutile d’opposer une sélection par une matière ou une autre : il faut de tout pour faire un monde, pas seulement en termes de connaissances, mais d’approches. Il faut croire que la pensée unique n’existe pas qu’en politique...
Je ne crois même pas que la sélection par les maths soit une condition nécessaire de l’excellence, parce que toute matière peut permettre une réflexion. Offrir des filières avec des pondérations différentes entre les matières est certainement une meilleure approche que la sélection par une matière unique. Il reste ensuite à valoriser et promouvoir les débouchés à ces filières.
Quant au déficit d’étudiants dans certaines matières, il manque peut-être des cellules d’orientation plus efficaces. Je ne pense pas que ce soit un problème de contenu des formations.
Dans le monde de l’entreprise, je constate souvent que l’on met la charrue avant les boeufs, que l’on écrit ce que l’on doit faire... après l’avoir réalisé, que la première pensée qui vient à l’esprit pour résoudre un problème, c’est la rustine plutôt qu’une solution basée sur une expression correcte du problème à résoudre, etc. Pourtant la plupart des travers que je décris ici, sont le fait de gens qui sont passés par cette sélection par les maths et qui ont souvent fait des études d’ingénieur !
Alors d’où vient le problème ? Une tendance naturelle de l’homme à prendre les problèmes à l’envers ? Je ne le crois pas. Des diplômes trop facilement donnés ? Peut-être, a-t-on trop privilégié "la tête bien pleine, plutôt que bien faite", comme aurait dit Montaigne. Cela montre plutôt l’échec de ce type de sélection comme critère futur d’excellence. Cela montre également que la base d’un raisonnement sain n’a pas été forcément intégrée par l’ensemble des gens qui ont suivi un cursus long. Et cela me semble aussi grave que l’illétrisme en sortie de primaire. Parce que les avions dans lesquels vous volez sont aussi fabriqués par ces gens-là .
Par exemple, je n’ai jamais eu d’enseignement sur l’organisation du travail scolaire, comment apprendre efficacement, ou même de cours de réflexion générale sur les connaissances qu’on nous demande d’ingurgiter. Un bon ouvrier ne se mesure pas à la quantité d’outils qu’il détient, mais à sa façon d’en tirer parti.
"L’école n’est pas drôle, il n’y a pas de raison que cela change" : pas d’accord. Même si ce n’est pas le cas de tous les profs, j’ai connu dans toutes les matières des profs géniaux, qui pouvaient rendre un cours intéressant, vivant et motiver des étudiants. Mais ceux-là savaient se remettre en question. Et c’est tellement vrai, que l’on trouve sur le marché des bouquin de techniques informatiques basés sur un apprentissage ludique (la série "tête la première" par exemple). Leurs auteurs ont intégré dans leur sujet les recherches en sciences cognitives, en neurobiologie et en psychologie de l’éducation pour offrir un contenu bien plus digeste qu’un docte cours magistral. A quand une telle application dans l’éducation nationale ?