Le problème posé sur l’épistémologie des sciences humaines est très intéressant.
Pour les sciences "dures", l’outil indispensable n’est pas la statistique mais la théorie des probabilités. On ne peut en effet valider une expérience physique ou chimique que si ses résultats sont plus marqués que ce que le hasard seul permettrait. Cela donne par exemple et entre autres les célèbres "tests du khi-deux" et le calcul systématique des marges d’incertitude.
Ceci peut être appliqué dans le domaine médical par exemple aux "blind tests" des AMM pharmaceutiques.
L’épidémiologie est elle une discipline purement statistique, mais elle ne s’applique qu’une fois le diagnostic posé.
Poser le diagnostic à partir de symptômes est une très bonne application de la théorie des probabilités, et c’est une des principales "consommatrices" du théorème de Bayes. Mais on suppose à nouveau qu’il n’y a aucun doute sur la nature d’une pathologie.
Le cas de la psychiatrie est très particulier et très intéressant, car il n’y existe souvent aucune preuve définitive de la nature voire l’existence d’une pathologie. Celles-ci sont souvent peu ou mal définies. La notion de "diagnostic différentiel" y est d’application malaisée.
Depuis un siècle, on observe un conflit entre trois grandes tendances.
La première, dont semble se réclamer l’auteur, dit que la psychiatrie est avant tout une compréhension individuelle par le praticien d’une situation particulière du patient. Les autres tendances lui reprochent de ne finalement développer aucun corpus formalisable ni transmissible, et d’être ainsi un art plus qu’une science. C’est en particulier ce qui a été reproché à la psychanalyse.
La seconde cherche avant tout à formaliser le sujet pour le rendre "objectivable". Elle s’inspire en partie de la sociologie dont elle reprend les procédés statistiques dénoncés ici. Elle s’attire des critiques comme celles de cet article. On pourra citer en particulier la théorie du "comportementalisme".
La troisième dit qu’on s’en fout un peu puisque l’on n’a pas de remède, et que la meilleure définition que l’on ait aujourd’hui d’une pathologie est sa réaction à une thérapie, en particulier pharmaceutique.
Tout cela laisse de la place à la réflexion, la recherche et l’interprétation.
AMHA, l’étude du fonctionnement et des dysfonctionnements du système nerveux central est la plus compliquée que l’homme puisse entreprendre, et offre encore quelques siècles, voire millénaires, de recherches passionnantes.
La seule chose certaine, c’est que la psychiatrie ne peut pas être que de la statistique, ou que de la pharmacie, ou que de l’écoute, ou que de la génétique.