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Commentaire de rufus

sur A propos du discours du Pape à Ratisbonne


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rufus (---.---.155.7) 30 septembre 2006 23:13

À A.T.

Foi et Raison ?

Les deux ne sont pas identiques, la foi n’est pas la raison, et inversement, sinon, pourquoi les distinguerait-on ? Mais elles peuvent être complémentaires. Et c’est selon cette complémentarité que s’est développée la pensée chrétienne depuis ses débuts, ce que l’on appelle parfois l’hellénisation du christianisme.

Une complémentarité analogue se rencontre quand la raison est mise en présence de situations existentielles : la mort, l’amour, l’amitié, la beauté ... par exemple, dire que la beauté et la raison sont contradictoires serait absurde. Ce qui contredit la beauté, c’est la laideur, ou la platitude, la banalité, mais la raison ne la contredit pas. Inversement, ce n’est pas avec la raison qu’on produit la beauté artistique. Raison et beauté appartiennent à deux ordres distincts. Le contraire de la raison, c’est l’irrationnel : un cercle carré, par exemple. Le contraire de la foi, ce n’est pas la raison, mais l’incrédulité, le scepticisme, le manque de foi, la “non-foi”, l’indifférence ...

Prenons ensuite le cas d’un sentiment, l’amitié. La raison pourra analyser ce sentiment, le décrire ; parfois, elle aide, elle éclaire une relation amicale. Mais si l’amitié exige davantage, un dévouement allant jusqu’à un sacrifice héroïque, ici, la raison ne sert à rien ; bien plus, elle pourrait avancer des “raisons” raisonnables, voire étroites et mesquines, qui, en déconseillant le sacrifice, iraient contre ce qu’exige l’amitié.

J’ai fait ces détours analogiques ( ils valent ce qu’ils valent, toute analogie a ses limites) pour souligner que foi et raison relèvent de deux ordres distincts non contradictoires.

Qu’est-ce que la foi ? C’est un acte d’adhésion, de confiance, d’assentiment à ce que dit une personne. C’est un lien personnel - on disait “donner sa foi à quelqu’un” pour lui faire allégeance, reconnaître que ce qu’ il dit est vrai, que ce qu’il fait est juste, qu’on a des devoirs à son égard ...

Croire en le Christ, c’est de cet ordre là. C’est une rencontre, une expérience existentielle, qui saisit l’être tout entier. C’est lui faire confiance. C’est répondre à son amour, accepter sa parole comme vraie, et essayer d’y conformer sa propre vie. Or le Christ a clairement proclamé qu’il est Dieu, “Fils de Dieu’ ; “Avant qu’Abraham fut, Je suis” a-t-il proclamé (Jean 8-58) ( Et l’évangile rapporte que, scandalisés, ses interlocuteurs pharisiens voulurent le lapider). Avec une autorité extraordinaire, Jésus a prêché une doctrine spirituelle et morale qui n’a aucun équivalent ( cf. par exemple les Béatitudes : Heureux êtes-vous si les hommes vous haïssent, s’ils vous frappent d’exclusion, s’ils insultent et proscrivent votre nom comme infâme à cause de moi. Réjouissez-vous, car votre récompense sera grande dans le ciel” Luc-6-22-23).)

Il s’est montré plein d’amour, de douceur et de compréhension à l’égard des pécheurs. Il a été sévère à l’égard de la violence, de l’hypocrisie et de la dureté de coeur. Les Evangiles rapportent les guérisons et les miracles qu’il a opérés ; ils relatent son supplice ( le milieu des Pharisiens a voulu qu’il meure parce qu’il se proclamait Dieu - un blasphème, disaient-ils), sa mort et sa résurrection qu’il avait annoncée, trois jours après avoir été mis au tombeau. La foi de la chrétienté originelle, primitive est unanime et massive là-dessus.

Croire en le Christ est une expérience de l’âme, elle engage tout l’être. Et la foi intéresse la raison philosophique comme un objet qu’elle peut étudier. Bien plus, une synthèse a été faite entre la Parole du Christ, Parole de Dieu créateur et sauveur et le “ logos” grec, qui, entre autres sens, désigne la raison qui rend compte de l’univers. Cette synthèse est particulièrement exposée au début de l’Evangile de Jean - l’un des quatre évangiles authentiques. Et comme les Evangiles rapportent essentiellement les actes et la Parole du Christ, sa “bonne nouvelle” (c’est l’étymologie du mot évangile), c’est l’évangile tout entier qui montre le déploiement de cette parole-logos dans son action rédemptrice.

Voilà qui peut paraïtre théorique ; mais les foules qui écoutaient le Christ ne s’y trompaient pas : “jamais un homme n’a parlé de la sorte”, disaient les auditeurs du Christ, et tout le monde cherchait à le voir. Pour un chrétien qui a vraiment la foi, le Christ est ainsi le sens de la vie.


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