• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de S2ndreal

sur Ecart-types


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

S2ndreal 22 mai 2008 12:54

Wow. Ça me change. Quelqu’un qui me trouve clair et parlant dans une synthèse personnelle.

J’apprécie également beaucoup votre lien entre cette orientation vers l’avenir et la possibilité d’échapper à ses erreurs. Elle éclaire cette disparition des erreurs en politique et en économie. Officiellement, il n’y en a plus dès que vous êtes tout en haut de la hiérarchie. Je pense ici à une aventure irakienne. Je n’y avais pas pensé. Merci.

Je souhaite pouvoir lire cette étude américaine sur l’enseignement par l’exemple. Si vous pouviez me transmettre la référence correspondante, j’apprécierais merci. Ce type d’enseignement a son pendant en économie avec toutes les études de cas ou les "case studies". Votre étude américaine pourrait mettre en cause cette approche de la réalité. Elle va aussi dans le sens de mon expérience de la pédagogie par projet. Les élèves se font une idée à partir de quelques cas et sont totalement dépassés par l’idée que ce ne sont que quelques exemples. Je confirme qu’un projet mené à bien se termine par un saupoudrage de connaissances générales pas plus assimilées, qu’assimilables avec leurs outils.

Je ne comprends pas très bien votre expression "syndrome de l’auto-engendrement". Je l’associe à un passage du début du "Discours de la méthode". Descartes raconte être dans un "poêle" en plein hiver. Il s’y convainc de la nécessité de réorganiser tout son savoir seul, individuellement et selon ses convictions intimes pour en avoir une vision du monde cohérente et qu’il trouve belle. Je crois que cette opération peut se nommer "auto-engendrement". Il a fondé la méthode de "l’auto-engendrement". Est-ce que je suis sur la piste de la compréhension ? Suis-je ailleurs ?

Je crois que ce que vous dénoncez ici est lié au triomphe d’une philosophie de la connaissance. Je veux essayer de m’expliquer.

Descartes est l’un des fondateurs de la science moderne. C’était aussi un mathématicien (représentation cartésienne) et un physicien (optique géométrique) remarquable. Il était déterministe. Je vois une contradiction entre le déterminisme et cet "auto-engendrement". Les statistiques ne le sont pas ou votre notion de déterminisme est beaucoup plus large que la mienne. Utiliser les statistiques devient ainsi une façon de tourner cette contradiction. Cela me semble aussi relever de la vision kantienne de la réalité. Selon cette vision, le réel ne peut pas être connu. Il est possible d’avoir une idée de la réalité et rien de plus. Tous les points de vue deviennent acceptables et aucun point de vue n’est supérieur aux autres. Il faut donc réinventer chaque fois la connaissance de la réalité en sachant que la valeur de cette redécouverte est, au mieux, limitée. L’idée de "case studes", "pédagogie par projets", "norme statistique" devient sensée. C’est la majorité, définie par une accumulation de cas particuliers qui décide de la nature de la réalité. La science cesse d’être un effort de compréhension pour devenir l’opinion du moment.

Cela peut être vu comme démocratique, respectueux des individus et réaliste. Je le vois comme un appel au conformisme, au narcissisme et à une fuite devant la réalité. L’opinion du moment est la norme. Cette opinion peut prendre n’importe quelle forme. Elle est entre mes mains, il est vrai, si je suis assez malin pour l’imposer. C’est du narcissisme. Cette opinion est la seule réalité accessible. Autant me la rendre convenable. Ce qui est vraiment différent est inadmissible. Pour moi, c’est un critère de présence de la réalité.

La transmission d’un savoir accumulé viole cette vision de la réalité à plusieurs niveaux. Elle suppose qu’une personne peut rencontrer et vivre une réalité qui dépasse les individus. Ce n’est pas respectueux de ces derniers et de leur liberté. Elle suppose qu’une personne peut transmettre cette expérience à une autre. Ce n’est pas démocratique. La majorité de la population n’en fait pas partie. L’objet transmis existe indépendamment de l’émetteur et du récepteur. Cela n’entre pas dans le réalisme kantien qui dit que c’est impossible. La connotation du mot viol est actuellement très fortement négative. Je la souligne ici pour affirmer que cette transmission des expériences ou du savoir accumulé sera vécue comme une expérience traumatisante par tout tenant de la vision de la réalité que j’esquisse ici. Elle est jugée intolérable.

Selon cette même vision de la réalité, transmettre un savoir est du dogmatisme, de l’idéologie, du passéisme. Ce sont des "péchés mortels" de notre temps.

Si je vous ai comprise, nous sommes malades de "l’auto-engendrement". L’ironie terrible de la chose est que cette maladie est soutenue par un souci d’efficacité absolument extraordinaire (cf. les changements de stratégie). Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces questions. Mais, je me suis emporté et me suis beaucoup avancé pour une fois. Je vous souhaite bon courage pour faire face à tout cela.

 


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès