Le système des millet a quand même montré ses limites puisqu’il a éclaté quand le pouvoir central des Sultans s’est affaibli... Et il a aboutit, dans une grande partie de l’espace Ottoman, à la constitution de nationalismes qui étaient en fait des communautarismes confessionnels ou des irrédentismes : Caucase, ex-Yougoslavie, Chypre. Donc autant il est vrai que ce système d’organisation sociale et politique était en avance sur son temps au 15e siècle, qui en Europe occidentale était l’époque de l’Inquisition et d’Isabelle de Castille déportant les Juifs d’Espagne, cela l’était beaucoup moins à l’époque des nationalismes à la fin du 19e siècle, et chaque millet a commencé à réclamer l’indépendance ou le rattachement à un pays voisin. Le système de millet est basé sur la soumission de la population à une autorité religieuse, elle même responsable devant le pouvoir central. La différence avec le modèle monarchiste européen, c’est que ce pouvoir central reconnait la pluralité des religions et s’efforce de les faire cohabiter harmonieusement. Mais en aucun cas tout cela n’est compatible avec l’existence de droits politiques individuels, qui jusqu’à aujourd’hui ne se sont épanouis quand dans le cadre de l’Etat-nation.
Le grand mérite de la laïcité à la turque a donc été de soustraire le peuple de la tutelle des hodjas pour établir un système parlementaire représentatif et la reconnaissance du citoyen en tant que sujet indépendant. Cependant elle n’a pas été capable d’abolir complètement le système de millet puisque les dhimmis n’ont pas été intégrés dans le milliyet.