encore« Le propre de la désinformation, ce n’est pas d’exprimer une vérité, c’est de rendre vraie une affirmation à force de répétitions. Ce qui paraîtra excessif le premier jour deviendra évident au bout d’un mois. » C’est bien ce mécanisme que l’on voit à l’œuvre dans le conflit israélo-palestinien ; un mécanisme d’une efficacité si redoutable, que les plus ardents partisans d’une paix juste au Proche-Orient peuvent constater qu’il ne les a pas, eux non plus, complètement épargnés. L’ouvrage de Joss Dray et Denis Sieffert, La guerre israélienne de l’information, a d’abord le mérite d’identifier clairement comme tel le phénomène qui lui donne son titre. Il tente de dissiper « un rideau de fumée à l’abri duquel on a semé la mort dans une proportion jamais atteinte dans cette région depuis la guerre de 1973 ». C’est dire tout l’enjeu de ce petit livre. Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Politis, Denis Sieffert synthétise et approfondit ici le travail de réfutation auquel il s’est déjà livré, semaine après semaine, dans les colonnes de son journal. La photographe Joss Dray apporte quant à elle sa connaissance de la société palestinienne - le livre comporte également un cahier de ses photos.
C’est à juillet 2000 et à l’échec du sommet de Camp David que les auteurs font remonter le début de la grande offensive communicationnelle du gouvernement israélien. Il s’agit alors de faire porter à Yasser Arafat la responsabilité de l’échec du sommet, en propageant l’idée qu’il a refusé « l’offre généreuse » ou « historique » que lui faisait le premier ministre Ehud Barak. La formule selon laquelle « Arafat a voté Sharon » fait florès dans la presse française. En Israël, on veut y voir la preuve de la fourberie du vieux leader : il n’aurait signé les accords d’Oslo que par ruse ; il ne voudrait pas réellement la paix, et son objectif resterait la destruction d’Israël. Les propositions faites à Camp David par la partie israélienne - à prendre ou à laisser - n’étant connues que très vaguement, la rumeur se répand qu’Arafat aurait refusé le partage de Jérusalem et le retour aux frontières de 1967. Or rien n’est plus faux, comme l’ont clamé par la suite plusieurs observateurs - à commencer par le conseiller de Bill Clinton pour les affaires arabo-israéliennes, Robert Malley. Il n’était question d’établir une souveraineté palestinienne que sur des quartiers périphériques de la ville sainte ; comme le résumait un négociateur palestinien cité par Le Monde : « On discute de Paris occupé, on vous rend Créteil, vous n’avez qu’à l’appeler Paris. » Quant aux territoires proposés, ils sont constitués de trois minuscules entités sans aucune continuité. En reconnaissant l’Etat d’Israël, les Palestiniens ont déjà fait leur deuil de 78% de la Palestine historique : « Ils ne peuvent accepter de se livrer à un nouveau marchandage sur les 22% restants. Et cela pour entériner l’installation de nouveaux colons israéliens organisée en violation des accords d’Oslo. »
Un refus incongruCar là est bien le problème que personne ne veut voir : depuis 1993, « c’est tout le paysage qui a été transformé ». Le nombre de colons a doublé ; les routes de contournement se sont multipliées ; un mur de nouvelles implantations coupe Jérusalem-Est de la Cisjordanie. Quand ils arrivent à Camp David, les Israéliens ont pris quatre ans de retard sur le calendrier de retrait défini par Oslo. Ehud Barak se refuse toujours à appliquer l’accord de Wye River, et il vient de relancer la colonisation « dans une mesure inégalée depuis 1993 ». Avec cela, Shlomo Ben Ami, négociateur à Camp David et ministre des Affaires étrangères à partir d’août 2000, s’offre le luxe de se dire « préoccupé par cette tendance au sein du camp palestinien à perpétuer le processus de paix »... A Camp David, il s’agit, écrivent Joss Dray et Denis Sieffert, « sept ans après Oslo, de tout renégocier en s’adaptant au fait accompli imposé par les Israéliens ». Le débonnaire Shlomo Ben Ami va être l’homme-clé de la campagne de désinformation lancée par l’entourage de Barak. Juif d’Afrique du Nord, professeur d’histoire, il fait « un ambassadeur séduisant auprès de la gauche israélienne, des intellectuels et des journalistes européens friands d’analyses nuancées ». L’entreprise aura pleinement réussi. On se souvient pour notre part d’un mémorable entretien à Télérama (19 décembre 2001) dans lequel Ben Ami affirmait, devant un reporter subjugué par sa « hauteur de vue », que « négocier, ce n’est pas rechercher un accord juste, mais trouver une solution à un problème »... Ce qui avait du moins le mérite de la franchise.
En somme, ce qui provoque des réactions offusquées dans l’ensemble du monde lors de l’échec de Camp David, c’est le refus palestinien de se soumettre à la loi du plus fort. L’inéluctabilité de cette loi, tout le monde semble l’avoir déjà intégrée, plus ou moins consciemment. Les auteurs montrent comment, dans les années qui suivent Oslo, la colonisation est traitée par les observateurs étrangers comme un fait négligeable. Lors de la victoire de Benyamin Netanyahu aux élections, en mai 1996, le correspondant de TF1, Patrick Bourrat, déclare que « même si Netanyahu avait promis de relancer la colonisation, il s’est démarqué des faucons nationalistes comme Ariel Sharon ou Rafaël Eytan ». Or, glissent les auteurs, « pour les Palestiniens, la confiscation des terres, les expropriations, les démolitions de maisons et les créations de zones interdites ne sont pas exactement des anecdotes. C’est l’essence même du conflit. Ce sont ces violences, invisibles dans nos médias, qui vont pousser à l’exaspération tout un peuple ». Dans les médias occidentaux, pendant toutes ces années, « le cheminement de l’Histoire n’apparaît pas remis en cause. Ou, s’il l’est, c’est du point de vue israélien, en soulignant l’irrédentisme meurtrier des extrémistes palestiniens ». Et de conclure : « L’histoire qui nous est racontée, c’est l’Histoire d’Israël perturbée par des Palestiniens peu conciliants. »
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